C’est une excellente nouvelle que le retour au premier plan de Ferry Bouman dans une troisième saison de Undercover : avec un scénario dense et efficace, une tension qui ne retombe jamais et une interprétation excellente, on a affaire ici à l’un des tous meilleurs thrillers européens.
La seconde saison et le spin off de Undercover, la série TV policière flamande qui cartonne, l’ont clairement prouvé, ce qui fait tenir la série, c’est le personnage de Ferry Bouman et l’interprétation remarquable de Frank Lammers, inoubliable en criminel flamboyant, charismatique en dépit (et un peu à cause…) de son abjection morale et de son atroce mauvais goût. Piet Matthys, Nico Moolenaar et leur équipe ont évidemment bien compris ça, et remettent Ferry quasiment au centre de l’intrigue – passionnante cette fois – de leur troisième saison : du coup, si ce n’était la maladresse de leur huitième et dernier épisode, qui ne sert probablement guère à autre chose que de permettre l’existence d’une quatrième saison, on serait prêt à crier bien haut que Undercover n’a jamais été aussi brillante, aussi tendue, aussi passionnante, aussi originale. Bref, face au déferlement continu de thrillers US, il est rassurant d’avoir au moins une série TV européenne de ce niveau (en attendant, sans trop y croire, le retour du Bureau des Légendes…).
On a écrit que Ferry Bouman se retrouvait « quasiment » au centre de cette troisième saison, qui est un nouveau récit de tentative d’infiltration policière d’une organisation de trafiquants d’ecstasy, turcs cette fois, et ce « quasiment » est important : Matthys et Moolenaar ne se sont pas reposé sur leurs lauriers, ni sur la certitude que Lammers ferait, à son habitude, le job (et bien entendu, il le fait, et brillamment encore !) et nous a concocté cette fois un autre personnage mémorable, qui permet à la série de fonctionner à plein rendement tout au long de ses sept premiers épisodes. Car Leyla Bulut, maîtresse femme dirigeant d’une main de fer (dans un proverbial gant de velours !) le trafic monté par son mari Serkan, confiné dans un rôle secondaire depuis qu’un deal qui a mal tourné l’a condamné à la chaise roulante, est un autre protagoniste-clé de cette saison, qui est tout autant un drame humain qu’un polar à suspense.
Il y a à nouveau quelque chose de Breaking Bad dans Undercover, et ce n’est pas seulement ce sujet commun de la « cuisine » chimique permettant de donner naissance à des drogues que le marché absorbe voracement : la ressemblance tient plutôt à ce même mélange improbable de tragédie (plutôt ici des histoires d’amour qui, bien entendu, finissent – très, très – mal) et de dérision (dans la mesure où les policiers semblent ici moins professionnels que les truands qu’ils traquent), où le talent de Ferry (le personnage) est de dissimuler son acuité intellectuelle et sa violence implacable derrière une bonhommie ironique… Une combinaison détonante de réalisme – que l’on pourrait presque qualifier de « social » – et de tension hitchcockienne… sans même parler de ce talent que manifeste la série pour basculer de temps à autre dans l’excès : c’est ici un voyage à Istanbul qui va dégénérer de manière désastreuse, qui servira d’accélérateur – assez invraisemblable, certes, mais réjouissant – au récit.
Finalement, ce que l’on retiendra de Undercover (à moins qu’une quatrième saison ne vienne apporter un angle nouveau à la série), c’est bien que, même au sein des organisations les plus professionnelles – qu’elles soient étatiques ou criminelles – c’est le facteur humain qui reste déterminant : l’amitié la plus improbable, comme celle qui est née entre Bob et Ferry dans la première saison, l’amour le moins conventionnel, la loyauté à des valeurs familiales ou à des règles de clan, sont capables de mettre en péril n’importe quel système, n’importe quel plan. Et ça, derrière la noirceur des scénarios de Undercover, et au-delà des destins tragiques qui nous sont contés, ça ressemble fortement à de l’optimisme.
Eric Debarnot