Deux saisons pour la série phare du catalogue Apple TV, « The Morning show » décline ses thématiques fortes et très actuelles, comme le mouvement #MeToo ou le Covid-19, dans une ambiance soap moderne qui échoue encore et toujours à nous enthousiasmer.
Peu de séries ont encore, à l’instar de The Morning Show, su ou voulu prendre à bras le corps l’actualité sanitaire qui occupe le monde entier depuis deux ans – et provoqué justement retards et annulations dans les productions télévisuelles ou sérielles. Ici, la saison 2 qui vient de s’achever développe de manière habile – et inattendue – la manière dont la propagation du virus d’abord en Chine, puis aux USA et partout ailleurs, n’effraie que partiellement au départ, puis devient un enjeu dramatique inconnu et terrifiant. C’est évidemment le point fort d’une deuxième saison qui, pour moi, déploie la même savoir-faire en demi-teinte que la précédente : celle d’un soap politique moins ambitieux qu’il n’en a l’air.
On attend toujours beaucoup de la part d’une série qui plonge dans les arcanes volontiers pourries d’une grande chaîne de télé américaine et s’empare du sujet brûlant d’actualité du harcèlement sexuel en coulisses (et des abus de pouvoir dans ce milieu). Trop, peut-être ? En tout cas, The Morning Show, parée des plus belles intentions comme d’un casting 5 étoiles, peine à convaincre et à devenir la grande série souhaitée sur le mouvement #MeToo (ou #BalanceTonPorc) qui a fait chavirer ces dernières années le monde international du showbiz. La faute, probablement, à une mise en scène qui hésite constamment entre taper du poing sur la caméra et mixer ses dénonciations à des joutes sentimentales façon soap télévisuel.
Toujours sans dévoiler les principales intrigues qui apparaissent dans ce nouveau chapitre, on dira que l’apparition de nouveaux personnages (Julianna Margulies, que l’on retrouve avec plaisir depuis Urgences ou The Good Wife) ou Valéria Golino ne modifie en rien ce sentiment mitigé ressenti durant toute la saison. Entre des escapades italiennes longues et poussives, des relations plus qu’ambigües entre les personnages – désir, hypocrisie, attirance (homo)sexuelle ? – , et un final un peu expédié et franchement peu convaincant, The Morning Show peine souvent à sortir de sa voie toute tracée de série à charge mais pas trop.
Elle n’est toujours pas subtile, alors que le message, lui, devient carrément plus intéressant que la saison précédente : grosso modo, après avoir frappé fort côté scandale, révélations, licenciements, crise interne, polémique médiatique, on fait quoi ? Le terrain est miné, les gens meurtris, l’après n’est guère grandiose… comment se relève-t-on ?
Et ça, c’est le vrai sujet à développer, que les créateurs essaient tant bien que mal de gérer tout au long de ces épisodes inégaux… et c’est justement dans de rares moments hagards, un peu suspendus, où les visages botoxés mais fatigués et remplis de doute de Jennifer Aniston et ses comparses vous surprennent plein cadre, que la série prend de l’ampleur et ose ce qu’on voit peu ailleurs : l’humanité n’est pas glorieuse, court à sa perte (en plus d’une pandémie), et pourtant, on tient la barre, en souriant (trop) et en luttant (comme on peut). Triste constat, mais beau ressort dramatique et télévisuel.
Jean-françois Lahorgue