On était en droit d’attendre beaucoup de Archive 81, la dernière série fantastique sur Netflix, qui travaille non sans élégance formelle un sujet assez passionnant. Malheureusement, le travail littéralement bâclé des scénaristes gâche notre plaisir !
Archive 81 est une nouvelle série TV basée sur un podcast, décidément une grosse source d’idées et de scénarios en ce moment : il s’agit au départ d’un podcast de Daniel Powell et Marc Sollinger, qui a connu trois saisons de 2016 à 2019, et ne l’ayant pas écouté, nous sommes bien en peine de juger de la fidélité ou non de la série à son matériau initial. Mais Archive 81 est également l’un des gros succès populaires du moment sur Netflix, ce qui pose quand même problème : en effet, le visionnage de sa première saison s’avère surtout frustrant, au point que l’on se demande régulièrement ce qu’on fait les scénaristes de l’équipe de la showrunner Rebecca Sonnenshine (qui travaille aussi sur The Boys, soit une excellente référence…) alors que les défauts de la série sont tellement criants. Et, pire encore, alors qu’ils gâchent un excellent sujet et une mise en scène plutôt brillante, évoquant souvent la meilleure période de Polanski, celle de Rosemary’s Baby et du Locataire.
Archive 81 bénéficie d’un vrai, beau sujet fantastique, bien supérieur aux standards actuels du cinéma d’épouvante, un sujet qui rejoint ce qui se faisait de mieux dans les années 70 : d’une part, en 1994, un sombre immeuble new-yorkais au sein duquel conspire une étrange secte constituée par une assemblée hétéroclite de voisins ordinaires, mais dans lequel un étage entier, le 6ème, est « hors limites » ; de l’autre, et cette fois de nos jours, une maison isolée et labyrinthique, à la fois ultra moderne et délabrée dans les Catskhills, dans laquelle est confiné un jeune spécialiste de la restauration d’archives vidéos, qui doit travailler sur un projet secret que lui a confié une mystérieuse multinationale… A partir de là, tout est possible, entre des tunnels temporels qui vont relier les deux époques et la découverte d’un univers parallèle horrifique qui est l’enjeu d’une lutte historique entre deux clans. Mais on en a déjà trop dit, il vaut mieux que le téléspectateur découvre par lui-même les tenants et aboutissants de l’histoire qui, malheureusement, ne se termine pas à la fin de ces 8 épisodes (même si on peut trouver que le dernier épisode, avec un très joli ultime plan, pourrait constituer une conclusion élégante !).
Le problème est que, sur ce sujet intriguant, le scénario d’Archive 81 s’avère vite une vaste plaisanterie, accumulant les incohérences et les invraisemblances au point de ne provoquer que lassitude, voire franche hilarité : entre l’absurdité (assez habituelle dans le genre « found footage », mais quand même…) d’un filmage vidéo continu par la jeune étudiante dans l’immeuble « maudit », toléré sans problème par les conspirateurs, et l’absence ridicule d’un travail technique de restauration de la part de notre expert (il est quand même payé 100.000 dollars pour son boulot !) qui se contente de brosser les bandes et de les insérer dans des boitiers neufs, on sait depuis le premier épisode que la crédibilité de leur histoire ne préoccupe aucunement les scénaristes. Et chaque épisode rajoute ensuite sa couche de grand n’importe quoi, ses « sauts logiques » d’un épisode à l’autre : ce sont souvent des scénaristes différents qui ont travaillé sur les épisodes, et on a la nette impression que le nouvel arrivant décidait de jeter à la poubelle ce qui avait été écrit jusque là et de repartir dans une nouvelle direction !
C’est donc au naufrage d’une série prometteuse que l’on assiste, naufrage que l’on suivra néanmoins jusqu’au bout, en remerciant la grâce des interprètes (en particulier Mamoudou Athie, avec sa voix superbe, qui avait déjà sauvé la Black Box, et Martin Donovan, lesté du poids des années et que l’on retrouve avec plaisir dans un rôle plein de séduction et d’ambigüité), et le talent des metteurs en scène, qui nous maintiennent constamment en haleine, même avec un script aussi maladroit.
Pas sûr donc que l’on signe pour une seconde saison après une expérience aussi mitigée.
Eric Debarnot