En 1974, la comédie Italienne continuait son bonhomme de chemin, frayé depuis une bonne quinzaine d’années, un chemin pavé de chef d’œuvres et de succès populaires faisant de ce genre si italien un gage de qualité indéniable. Et c’est ici le cas avec ce petit chef d’oeuvre du grand Dino Risi qui vaudra à Vittorio Gassman le prix d’interprétation dans le rôle d’un ancien militaire misanthrope devenu aveugle par un éclat d’obus et traversant l’Italie avec un jeune accompagnant novice. Un road-movie superbe baigné par cette lumière italienne si particulière, un film plein de rires et de larmes comme les grands maestros de la commedia all’italiana savaient nous offrir. À voir ou à revoir impérativement.
Des yeux morts sans lunettes, une main en bois gantée de noir.
Des dents blanches et un sourire carnassier.
Une barbe bien taillée, un costume immaculé.
Un cynisme exagéré et un profond désespoir.
C’est l’irascible capitaine Fausto consolo que le jeune Ciccio, en tant que bidasse au ordres, est obligé d’accompagner jusqu’à Naples.
Un long et étrange périple attend le jeune et ingénu Ciccio cet été-là.
Une promenade italienne qui prend la forme sinueuse d’un voyage initiatique. d’un passage à l’âge adulte mouvementé, d’un dépucelage brutal des sentiments.
Fausto (dont le nom ne me semble pas dû au hasard) décide d’aller voir son vieil ami Vincenzo dans le sud de la botte. Mais le voyage prend un peu plus de temps que prévu. Fausto décide de prendre son temps et de profiter de ces quelques jours pour flâner dans cette Italie pastel ou pour régler de vieux comptes laissés en suspens depuis trop longtemps.
Il n’est pas pressé d’arriver, Fausto.
Il promène sa mauvaise humeur, son cynisme exacerbé et ses jurons dans les ruelles génoises à la recherche de belles tapineuses.
Flairant dans le dédale de pierres de la vieille ville, la fille qu’il lui faut. Menant Ciccio d’un pas ferme et traînant son guide adolescent dans ce labyrinthe où son nez s’avèrera plus sûr que les yeux vierges du bidasse.
C’est à Rome que se poursuit cette lente descente de l’Italie et de l’humeur de Fausto.
Rome où il retrouve son cousin prêtre. Sur une terrasse Romaine, où la coupole de Saint Pierre domine les débats entre cet homme de Dieu et ce mécréant satisfait.
C’est une forme de salut que Fausto venait chercher dans la Cità, une absolution.
Il n’aura que « bondieuseries » dégoulinantes, acceptation béate de son sort et promesses de paradis façon « Au royaume des aveugles … ». C’est dans un grand rire désespéré et crachant une dernière fois au ciel que se finit cette entrevue familiale.
Et finalement l’arrivée : Naples !
Naples la belle, Naples la sauvage. « La cité Africaine la plus au nord » comme il dit.
Là, son ami Vincenzo (aveugle comme lui) l’attend. Il n’est pas le seul à l’attendre. Sara aussi attend Fausto, elle l’attend depuis longtemps déjà. Mais Fausto ne comprend pas l’amour de Sara. Il le rejette comme il rejette tout. Comme il rejette toute pitié, toute aide, toute humanité.
Mais il n’est pas là que pour Sara. Ses desseins sont plus larges et le masque ne va pas tarder à tomber…
Dino Risi nous offre dans cette lumière toute italienne, un film savoureux, drôle et mélancolique.
Offrant au Génial Vittorio Gassman un rôle magique où son génie d’interprétation fera de cet ancien capitaine d’armée handicapé un personnage ambigu, à fleur de peau et beaucoup plus complexe que son cynisme de façade le laisse paraître.
Risi dira de « Profumo di donna » que : « …plutôt que de comédie à l’italienne il faudrait peut-être parler ici de tragédie à l’italienne. ». C’est aussi l’état de cette comédie Italienne au milieu des 70’s, le propos se fait plus acerbe, plus sombre et le désenchantement commence à perler doucement sur la pellicule ( Nous nous sommes tant aimés, Drame de la jalousie ou Les nouveaux monstres).
Parfum de femme est un film qui distille la gamme de ses parfums au fur et à mesure. Doucement. Afin que la plus subtile note, la plus discrète des senteurs prenne toute sa place, son importance propre.
Vaporisant comme un leurre des fragrances de comédie, s’évaporant lentement pour laisser aux narines du spectateur, l’odeur plus âcre et plus persistante de la tristesse.
Un Parfum s’accrochant encore plus solidement dans les mémoires, laissant cette odeur douce-amère dont la comédie Italienne a fait sienne; embaumer nos souvenirs.
Renaud ZBN