On avait manqué Safe, minisérie britannique d’Harlan Coben à sa sortie sur Netflix, malgré la présence toujours séduisante (a priori) de Michael C. Hall. Eh bien… on avait eu raison.
Harlan Coben, l’un des rois du polar populaire, sait conjuguer habilement des intrigues impeccablement construites avec les techniques désormais bien connues de l’écriture quasi programmatique d’irrésistibles « page turners ». Il est, logiquement, devenu un fournisseur de scénarios bétonnés pour ces séries « formattées thrillers » qui constituent le fonds de commerce basique des plateformes de streaming. Il est loin le temps où Coben refusait de vendre l’adaptation de ses best-sellers à Hollywood, et avait fini par accepter que ce soit des Frenchies qui se chargent de Ne le Dis à Personne ! On peut néanmoins mettre à son crédit le fait – assez inattendu pour un pur Américain comme lui – qu’il continue à favoriser des adaptations européennes (L’Innocent en Espagne, Dans les Bois en Pologne, etc.), ce qui nous amène à ce Safe, mini-série TV britannique, dont il est lui-même le showrunner, et que nous avions négligée à sa mise en ligne sur Netflix en 2018.
Comme toujours, mais absolument toujours chez Coben, écrivain relativement monomaniaque, il s’agit de l’histoire d’un homme ordinaire (bon, chirurgien quand même, on connaît le manque d’intérêt flagrant de Coben pour tout ce qui n’est pas haute société, sauf pour lui fournir le menu fretin criminel de ses histoires…), Tom Delaney, qui, après avoir perdu sa femme emportée par un cancer, va affronter la disparition de l’une de ses deux filles. Et qui va, pour le coup, découvrir que toute sa vie – mais également celle de la petite communauté entourée de hauts murs et gardée par des caméras de surveillance, et qui se croit ainsi « en sécurité » (Safe) – est construite sur des mensonges.
Inutile donc d’attendre quoi que ce soit de surprenant dans cette mini-série, hormis bien entendu une résolution finale correctement ficelée – avec Coben, on est au moins « safe » sur ce point, on sait que la partie « policière » sera toujours acceptable : loin des thèmes fantastico-SF qui cartonnent en ce moment sur Netflix, on est dans un genre pépère depuis que Mamie Agatha Christie a écrit le Meurtre de Roger Ackroyd, voici presque un siècle. Chaque personnage endossera à son tour le rôle du suspect potentiel, parfois seulement pour quelques instants, par la vertu d’un flashback manipulateur semant le doute dans la tête du téléspectateur (c’est d’ailleurs là un artifice lourdingue que la série a tendance à répéter assez gratuitement…).
https://youtu.be/aoCxTkkM4NQ
Si le problème de Safe – car il y en a un très clair, c’est que l’on a constamment le sentiment de regarder la version « discount » d’un produit de grande consommation – n’est pas dans son scénario (pourvu quand même qu’on adhère par principe au « système Coben »), il est dans à peu près tout le reste : une mise en scène de téléfilm des années 70, incapable de réellement créer la moindre tension, avec quelques scènes « d’action » (enfin, avec des personnages qui courent…) très plan-plan, et une interprétation globalement déplorable. Michael C Hall, qui a quand même illuminé de sa présence deux séries TV historiquement capitales (le génial Six Feet Under, et le très populaire Dexter) se débat avec son faux accent anglais, et répète ces mêmes mimiques auxquelles il nous a désormais trop habitués. La Frenchie de circonstance, Audrey Fleurot, se ridiculise à coup de grimaces impayables, mais le pompon doit être attribué, sans conteste, à Nigel Lindsay qui réussit – mais peut-être le fait-il exprès – à transformer la partie concernant la famille Marshall en pantalonnade grotesque (bon, il faut avouer que ce volet de l’histoire est quand même le moins crédible…).
Bref, il est encore possible de regarder Safe comme un divertissement familial plutôt bas de gamme, nous ramenant gentiment à l’époque où la télévision faisait du sous-sous-cinéma, mais à condition d’être prêts à avaler pas mal de couleuvres.
Eric Debarnot