Il nous aura fallu attendre presque un an et demi pour découvrir la suite des aventures de Rubéus Khan dans la version « moderne » de l’univers du Donjon, et, une fois encore, il y a du bon et du moins bon dans cette nouvelle épopée (un peu trop) pleine de références.
Le premier tome de la nouvelle branche du Donjon, Antipodes+, Rubéus Khan, nous avait surpris par son ambiance très cinématographique, très « film noir », assorti de clins d’œil au Pacific Rim de Guillermo Del Toro, et nous avions demandé à voir avant de nous prononcer. Il est difficile de dire s’il s’agit d’une bonne nouvelle – la preuve que Trondheim et Sfar continuent à défricher de nouveaux territoires – ou d’une mauvaise – car barder un livre de références a indiscutablement ses limites -, mais nous ne sommes guère plus avancés un an et demi plus tard, en refermant le second tome, le Coffre aux âmes !
Car cette fois, comme on le pressent dès la couverture, nous voilà dans un univers à la Indiana Jones (mâtiné de Tintin si l’on veut parler BD…), y compris dans la reprise très fidèle aux originaux de péripéties déjà vues dans les Aventuriers de l’arche perdue, le Temple maudit ou la Dernière Croisade. Pourquoi pas, nous demanderez-vous ? Après tout, ces références font partie de l’imaginaire mondial. Sauf que ce qu’on attend de pointures comme Sfar et Trondheim, c’est du pur imaginaire, de la nouveauté, pas d’entrer dans le jeu tellement contemporain des références, des clins d’œil et des clichés !
Sinon, les aficionados seront heureux cette fois de voir la brande Antipodes+ reliée au tronc du Donjon, à travers des liens avec les albums précédents d’autres séries, qu’ils soient anecdotiques (comme la potion d’Horous, le « Masque de la mort », utilisé par Herbert dans Retour en fanfare) ou même réellement essentiels, puisqu’on nous explique plus ou moins l’évolution de l’univers explosé de Donjon Crépuscule…). Si ce n’est pas indispensable au plaisir assez immédiat pris à cette aventure pour le moins bondissante (Vince fait bien le taff, en particulier en termes d’énergie dans les scènes d’action…), cela reste rassurant quant à la capacité des auteurs à poursuivre la construction de leur univers proliférant.
On sourira comme toujours à pas mal de gags et de plaisanteries réussies (la nature des singes qui peuplent l’univers souterrain visité par Rubéus Khan, par exemple), on continuera à être horrifiés par l’abominable oncle Stanislas, un méchant de belle envergure, et on appréciera l’introduction du superbe personnage de l’Atlas… Mais on regrettera qu’Adélaïde Perséphone, plutôt séduisante et bien dans la logique des complices féminins d’Indiana Jones, ne soit pas plus développée, tant au niveau du scénario que du graphisme.
Heureusement, le Coffre aux âmes se clôt sur un cliffhanger malin, qui relance notre intérêt, en espérant ne pas avoir à attendre un an et demi encore pour la suite.
PS : Quelque chose en nous a été également perturbé par le fait que les auteurs brisent pour la première fois depuis la création du Donjon la règle amusante des titres qui riment dans chaque série : depuis quand « âmes » rime-t-il avec « khan » ? Hein, on vous le demande !
Eric Debarnot