Clairement supérieure aux films avec Tom Cruise, la nouvelle série Reacher marque des points grâce à son impressionnant interprète, Alan Ritchson, mais pourra repousser les téléspectateurs réticents à embrasser la violence comme forme de justice.
Jack Reacher, création de l’écrivain à succès Lee Child, est devenu en deux films (pas extraordinaires, il faut l’avouer) l’une des incarnations populaires – surtout aux USA – de Tom Cruise, en dépit de ses différences physiques avec le personnage de fiction. Il est néanmoins bien possible que ce soit désormais le semi-inconnu Alan Ritchson qui représente pour toujours ce « héros américain » hors du commun… Hors du commun, surtout comme dépeint dans la série de Nick Santora, parce qu’une combinaison redoutable autant qu’improbable de puissance physique à la Terminator, de capacités de déduction dignes de Sherlock Holmes, et de quasi-autisme « asperbergien » dans ses rapports avec autrui (ce qui nous vaut le même genre d’humour que l’on a pu apprécier, ou non, dans Bron avec le personnage de Saga !).
Et cet étrange assemblage de génie intellectuel, de force brute et d’indifférence souveraine, fait atteindre au personnage, dès le premier et excellent épisode d’introduction de Reacher, une sorte de statut légendaire, qui permet à la série de se maintenir tout au fil de ses 8 épisodes à un très haut niveau de capital sympathie de la part du téléspectateur. Il fait évidemment féliciter Ritchson pour cet exploit, et souligner qu’il y a 30 ans de cela, il aurait pu sans honte rivaliser au box-office du cinéma d’action grand public avec les Stallone, Willis et Schwartzenegger qui triomphaient alors, ce qui n’est pas une mince affaire.
L’histoire que raconte cette première saison, adaptée du Killing Floor (en français : Du Fond de l’Abîme) de Lee Child, est néanmoins complexe, avec une multitude de personnages et de nombreux retournements de situation qui vont tour à tour nous ravir et nous irriter : comme dans un western ou presque, un inconnu débarque à pied dans une petite ville du Sud, pour être immédiatement accusé de meurtre et mis en prison. Il va rapidement rejoindre l’équipe des enquêteurs, et affronter avec eux les forces obscures – économiques – qui régissent la région et dévoiler une conspiration criminelle d’échelle internationale…
Si l’on peut regretter que tous les méchants soient largement caricaturaux et donc facilement identifiables – entre sud-américains moustachus et cruels et locaux psychopathes er sournois, on est gâtés – et également que la résolution finale d’une histoire aussi riche se réduise comme toujours à un baston général, sans que tout ait été réellement éclairci, il faut admettre que le scénario de Santora et son équipe nous tient en haleine pendant les 7 heures de la série. L’une des forces de Reacher est d’avoir entouré son charismatique personnage central d’excellents acteurs, comme Malcolm Goodwin, formidablement irritant dans un rôle de flic coincé et trop bien éduqué, ou Willa Fitzgerald en femme forte qui ne s’en laisse pas compter, malgré son physique de brindille.
S’il est un aspect de Reacher qui passera beaucoup moins bien chez nous qu’aux USA, c’est sa célébration décomplexée de l’usage des armes et sa légitimation systématique de l’usage de la violence par les « bons » contre les « méchants » : Dans le troisième épisode, Reaper liquide deux tueurs vénézuéliens en leur tirant dans le dos, et racontera plus tard avoir exécuté sans remords des Irakiens s’étant livré à des actes pédophiles lors de la guerre. Comme dans les westerns d’antan, le « loner » est clairement judge, jury et aussi executioneer : on ressent immédiatement moins d’affection pour Reacher, et on est content qu’il sévisse dans l’Amérique trumpienne, loin de chez nous.
Eric Debarnot