Non, notre coup de foudre pour Ex-Voto, le premier album de Lonny, n’aura rien d’une passade superficielle. Car hier soir, à la Maison Pop de Montreuil, pour l’un de ses premiers concerts, la jeune femme a prouvé qu’elle s’élevait déjà très haut, dans un registre plus électrique.
La sortie il y a 20 jours de Ex-Voto, le surprenant premier album de Lonny, a déjà déclenché un joli petit buzz, et la petite salle de la Maison Populaire de Montreuil, malheureusement en configuration assise (à 6 jours près !) est pleine. Et on reconnaît dans le public pas mal de visages connus, ceux de familiers des concerts Rock parisiens…
Lonny se présente, pour ce qui est l’une de ses premières opportunités d’interpréter son disque en public, en format trio, avec Marie à la basse et Alexandre à la guitare… Plus une boîte à rythme dont le niveau sonore capricieux occasionnera ces quelques moments d’imperfection qui font aussi le sel du live.
On débute à 20h45 par les deux titres les plus accrocheurs de l’album, le goût de l’orge et Comme la fin du monde, tous deux paradoxalement joués dans des versions discrètes, presque atténuées. Car le principe du live, d’après Lonny, c’est de surprendre le public en proposant des versions un peu revisitées des titres de l’album afin d’accentuer d’autres moments, de souligner d’autres émotions. « Quand le sel s’évapore / et l’eau devient incandescente / C’est elle qui jamais ne dort / C’est la braise sous les cendres… » : Incandescente s’élève ainsi très haut en version électrique…
Techniquement, le set est superbe, la voix de Lonny régulièrement stupéfiante de beauté, sans pour autant se laisser aller à la pure démonstration de virtuosité. Alex fait de plus en plus grincer et gronder sa guitare, créant des atmosphères sombres, menaçantes parfois, tranchant avec la lumière qui se dégage du chant. Marie, à la basse, imprime un léger groove qui anime certaines chansons de manière presque ludique.
Le public tombe très vite sous le charme, pour employer une expression un peu convenue : c’est que la voix et les textes, pour la plupart splendides, de Lonny imposent doucement de se mettre dans une sorte d’état d’introspection consciente. On ne parle pas là l’habituel poncif de la musique « intimiste », qui dissimule très souvent, en particulier dans le registre folk, de la fadeur, voire de la pusillanimité. Non, la musique de Lonny, derrière son apparente douceur, défie notre capacité à affronter la vérité de notre vie. Et, il faut bien le dire, s’inscrit idéalement dans un écrin plus électrique encore que celui de l’album : une voie que Lonny doit clairement poursuivre, explorer.
Plus le set avance, plus l’intensité s’accroît, jusqu’à Avril Exil (« Je ne sais pas pourquoi l’exil / Si j’y viens naître / Ou bien mourir ? ») et son final presque noisy, et le couronnement de la soirée, le magnifique Dans la Maison des Filles, pour lequel Lonny nous demande de nous lever mentalement, puisque nous ne pouvons pas le faire physiquement : « Et quelque chose se dessine / Dans la forme de l’eau / Dans le son, le sol, les oiseaux ». Comme le dit très justement un ami : « Lonny, c’est peu la nouvelle Barbara avec un son et une ambiance à la Dominique A ». Pas mieux ! Mais il faut ajouter que, sur Black Hole, le texte en anglais permet à Lonny d’exposer un registre vocal différent, tout aussi magistral.
Le rappel débute en solo acoustique avec le romantique le Sable Normand, composé en Auvergne, nous révèle Lonny en riant, et se clôt sur l’impressionnant Allez Chagrin, intense chanson de laisser aller, de libération.
Une heure d’un concert très convaincant, et prometteur à la fois. Plus que probablement les beaux débuts d’une artiste qui ira loin. A suivre, et de très près.
Texte et photos : Eric Debarnot