Quoi que l’on pense de la nécessité d’un Best Of de The Divine Comedy, dont l’œuvre entière est parfaite, il est impossible de ne pas être excité à l’idée de découvrir 11 inédits regroupés dans un album bonus accompagnant Charmed Life…
Si l’on considère le profil de la plupart des fans de Divine Comedy que nous connaissons, la publication d’un double album “best of” a tout commercialement du pari perdu d’avance : car franchement, lequel d’entre nous pourrait-il vivre sans avoir dans sa collection TOUS les albums de Neil Hannon, le plus délicieux génie contemporain de la « pop symphonique », ou toute autre étiquette que cette musique subtile, baroque, à en même temps très sage et complètement dérangée – donc tellement anglaise – accepte de recevoir ? Quant à convaincre le grand public…
Non, non, l’intérêt se reportera forcément sur le disque bonus, intitulé avec un humour d’épicier de la Grande Distribution Super Extra Bonus Album, que l’on soupçonnera automatiquement de contenir un certain nombre de demi-merveilles logiquement rejetées par Neil au moment d’établir la liste de chansons, elles totalement merveilleuses, qui figureront sur son nouvel album.
Quelques écoutes enchaînées, et nous sommes prêts à partager avec vous, chers amis aussi fans que nous, notre verdict : en deux mots, Super Extra Bonus Album est un disque indispensable, à côté duquel il serait impardonnable de passer. C’est aussi, logiquement, le moins bon album de toute la discographie de The Divine Comedy, puisqu’on n’y découvrira aucune nouvelle chanson majeure inconnue à date. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas passionnant : ce qu’on y entend, même dans les moments les plus objectivement critiquables, c’est Hannon en train d’explorer de nouvelles pistes, de tester des idées différentes, et dans certains cas d’approfondir son travail d’introspection, avec son habituel talent mélodique, ses lyrics malins et drôles, son imagination sans limite.
En toute logique commerciale, les deux premiers titres sont parmi les plus accrocheurs : I’ll Take What I Can Get a été travaillé et retravaillé tant de fois que Neil dit s’en être lassé, et n’être jamais arrivé à une version assez satisfaisante pour s’intégrer dans Foreverland ou Office Politics. Et il faut reconnaître que le final « bombastic », comme disent les Britanniques, s’il est efficace, manque de subtilité. Don’t Make Me Go Outside n’est, elle, vraiment pas loin de la grande chanson (chez tant d’artistes, ce serait peut-être même un sommet de leur œuvre !) : elle passionne grâce à l’honnêteté avec laquelle Neil revient sur ses difficultés d’enfance (dont il affirme qu’elles ne l’ont jamais quitté !) à aller se mêler avec ses condisciples.
Who Do You Think You Are est, à l’inverse des deux précédentes, un bel exemple chanson délirante, qui ne sonne quasiment pas comme du Divine Comedy, avec son beat disco et ses paroles rappées. Quant au texte absurde qui admoneste nos ancêtres préhistoriques, en les avertissant qu’ils vont engendrer une société catastrophique, les bras nous en tombent ! Le tout n’est pas très bon, mais on a quand même le droit de danser en souriant dessus.
Bref, sans vouloir analyser en détail chacun des 8 autres chansons qui suivent, disons qu’on rira souvent (oh, le texte de The Adventurous Type où Neil imagine ce qu’il aurait pu faire s’il avait été une personne moins ennuyeuse !), qu’on soupirera parfois d’exaspération (Te Amo España, sans doute le point le plus bas du disque, combine de manière satirique pas très subtile le comportement ridicule des touristes britanniques à l’étranger avec des clichés musicaux risibles : oui, c’est du second degré, mais ce n’est pas drôle… à la différence de la vidéo « homemade » réalisée à l’époque), et qu’on admirera l’impact mélodique redoutable de la quasi-totalité des chansons : nous, nous retiendrons la traditionnelle Xmas song qu’est Home For the Holidays, ainsi qu’une Simple Pleasures qui aurait pu être signée par Ray Davies.
Plutôt que considérer que l’album se conclue sur les 46 secondes inutiles de Butterfly, nous préférerons plutôt garder en mémoire la chanson « politique » Those Pesky Kids – soit un exercice inhabituel pour Neil Hannon – dont le texte est plus percutant que la mélodie un peu trop classique et l’orchestration lyrique paresseuse : en rendant hommage à la combativité de la toute jeune génération sur les sujets cruciaux de l’écologie (et sans doute aussi du Brexit ?), et en ridiculisant l’opportunisme et l’hypocrisie des politiciens, il signe un superbe manifeste qui fait pleinement honneur à The Divine Comedy.
Vous avez compris ce qu’il vous reste à faire…
Eric Debarnot