Jeudi soir fut une soirée de bonheur au Trabendo : celui de retrouver les concerts debout, mais aussi celui de revoir Hooverphonic avec leur chanteuse emblématique, Geike. Et si leur set manqua un peu d’intensité, les Belges n’auront pas déçu leurs fans…
Cela fait seulement 24 heures que les concerts debout sont à nouveau autorisés, et nos grandes retrouvailles avec la musique live seront également des retrouvailles avec les Flamands de Hooverphonic, qui nous honorent de leur présence au Trabendo après une bonne dizaine d’années passées à ignorer Paris. La salle est d’ailleurs bien remplie de fans de la première heure d’un groupe souvent étiqueté de manière abusive comme « trip hop », du fait de leur grand succès de l’an 2000, Mad About You, qui pouvait en effet rappeler un peu Portishead…
20h00 : C’est Yelli Yelli, qui va ouvrir cette copieuse soirée. Emilie Hanak joue son « folk kabyle », accompagnée sur scène par un guitariste qui ajoute une touche légèrement bruitiste bienvenue, et nous régale de ses chansons parfois « orientalisante » et parfois simplement (?) rock. Il y a beaucoup d’émotion dans sa musique, mais également un esprit élégamment « militant » qui fait mouche à notre triste époque où les voix antiféministes et anti migrants semblent envahir l’espace médiatique. Chantant ses origines kabyles, Yelli Yelli nous rappelle la beauté du mélange infini des cultures, et même si l’on se dit de temps à autre que ce qu’on entend est en deçà des intentions et du talent d’Emilie, il est impossible de ne pas y adhérer de tout cœur.
21h00 : Bien entendu, la grande affaire de cette réapparition de Hooverphonic, pour soutenir son dernier album, Hidden Stories, sorti l’année dernière, c’est le retour dans le groupe après une dizaine d’années d’absence de la chanteuse « historique » Geike Arnaert. Sinon, le trio Alex Callier – à la basse ce soir – / Raymond Geerts, à la guitare / Geike est soutenu par un trio de choc (claviers, guitare et basse) qui étoffe considérablement le son.
Dès l’intro de A Simple Glitch of the Heart – ouverture du dernier album – tous les regards sont fixés sur la blonde et très belle Geike : son chant est impeccable, magnifique même par instants… Les néophytes remarqueront toutefois très vite que Geike reste plutôt froide, sans réellement interagir avec son public pourtant totalement conquis, comme si elle se contentait d’interpréter, à la perfection, des chansons qui ne la concernent pas vraiment… Et c’est clairement la faiblesse d’Hooverphonic en live, un indéniable manque d’intensité d’un set qui aligne pourtant plus d’une vingtaine de chansons très élégantes.
La setlist est un mélange bien équilibré entre les titres du dernier album, avec en point d’orgue les magnifiques Belgium in the Rain et Full Moon Duel, et un best off des plus de vingt ans de carrière du groupe. Les nostalgiques sentiront leur cœur fondre sur l’imparable Jackie Cane, avec sa chronique très triste d’une vie fanée (« She was the queen of the 25th hour / They looked so sweet but the after-taste was sour / Salty days for Jackie Cane / Salty days for Jackie Cane » – Elle était la reine de la 25e heure / Ils avaient l’air si doux mais leur arrière-goût était amer / Jours salés pour Jackie Cane / Jours salés pour Jackie Cane).
Si Geike ne joue pas son rôle de frontwoman, Alex prend vite la parole et se lance régulièrement dans de chaleureuses et souvent hilarantes dissertations sur le succès (ou plutôt son absence) du groupe, sur l’Eurovision (Hooverphonic y a en effet représenté la Belgique en 2021), sur la bière, sur l’amour, bref sur maints sujets qui lui permette de pratiquer son français – ma foi excellent, même s’il promet une bière à tous ceux dans la salle qui corrigent ses erreurs ! Bref, compositeur ambitieux se réclamant de John Barry (comme sur le « jamesbondien » Anger Never Dies) et d’Ennio Morricone (Full Moon Duel), « stand-up comedian » pince sans-rire, Alex impressionne et séduit…
Si le set manque quand même à notre goût de moments vraiment forts, et si la succession de tempos moyens crée une impression d’uniformité des titres, l’enchaînement d’une version soul de No More Sweet Music et d’un Lift Me Up joliment funky relance l’intérêt. Et c’est enfin le titre que tout le monde attend, ce Mad About You, qui d’après Alex traduit une version très pessimiste, voire affreuse de l’amour : « Give me all your true hate and I’ll translate it in your bed / Into never seen passion / That is why I am so mad about you » (Donne-moi toute ta vraie haine et je la traduirai dans ton lit / En une passion jamais vue / C’est pourquoi je suis si fou de toi).
Le premier rappel culminera sur un superbe Amalfi, avant que l’ample final romantique de Hidden Stories permette au groupe de disparaître progressivement, laissant Geike seule avec le public pour un long singalong, couronnant dans une communion rituelle les retrouvailles de Hooverphonic avec ses fans parisiens.
Si l’époque de la célébrité quasi planétaire de Hooverphonic est peut-être passée, le groupe reste solidement implanté sur un répertoire majeur, et a encore du souffle. Un peu plus de laisser-aller, de folie, d’énergie aussi lui permettrait d’être aussi convaincant sur scène qu’il l’est sur disque.
Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot
Ca alors, Hooverphonic existe encore… Un de mes premiers concerts (1997), ils s’appelaient Hoover… C’est ce qui m’a fait cliquer et lire cet article.
Bon, par contre, je ne sais pas si les voix militantes et féministes entameraient la chronique du concert sur le physique préservé de la chanteuse ^_^! (« toujours très belle »)
C’est vrai, tu n’as pas tort, même si je peux faire – et je fais régulièrement – des remarques similaires sur l’effet du temps sur les hommes également. Mais je vais corriger ça, ce sera mieux, plus respectueux.