Dans son nouveau livre, Nos vies en flammes, David Joy nous entraine à nouveau du côté des Appalaches pour découvrir une population déclassée devenue accro aux opioïdes. Un roman d’une noirceur implacable.
Ceux qui ont lu les précédents ouvrages de David Joy, savent combien la nature et notamment les Appalaches constituent un cadre de choix pour ses récits. Élève et disciples de Ron Rash, son « mentor et ami », auteur à qui est dédié ce livre, David Joy met en scène des personnages paumés, des déclassés, des hommes (la plupart du temps) vivant dans des conditions précaires, victimes d’un capitalisme ravageur. C’est le cas de Raymond Mathis, un vieux garde forestier à la retraite vivant seul avec ses chiens depuis que sa femme est morte d’un cancer et que leur fils a sombré dans la drogue.
Le décor est planté ! Chômage, pauvreté, addictions en tout genre, misère sociale, ajoutez à cela des forêts dévastées par des incendies, causés entre autres par une surexploitation, et vous aurez le cadre, certes peu joyeux, mais très attirant – d’un point de vue littéraire, il s’entend – de ce nouveau roman noir de David Joy dans lequel plusieurs destins s’entrecroisent pour raconter une Amérique en totale déliquescence, où une certaine frange de la population, les jeunes adultes surtout, pour oublier un avenir sans espoir, consomment diverses drogues comme la meth (celle que fabriquait Walter White dans Breaking bad) ou encore les opioïdes, à la base des médicaments destinés à combattre la douleur et qui ont été détournés pour devenir des drogues hautement addictives, ravageant de nombreuses familles comme il est raconté dans l’excellente série American Rust, adaptée du roman éponyme de Philipp Meyer. À ce sujet, il faudra lire la postface de de David Joy où il nous en dit plus sur cette « crise des opioïdes » qui n’en finit pas de causer chaque jour des décès de manière directe ou indirecte aux États-Unis… un texte qui vient en résonance avec la série Dopesick qui raconte très bien les tenants et les aboutissants de ce terrible scandale sanitaire.
Comme toujours chez David Joy, les personnages sont entiers, rongés par leur démons, leurs doutes, leurs failles, mais aussi, pour certains, pétris d’humanité, à l’image de Ray qui va tenter de sortir son fils Ricky de ses ennuis, ce qui aura pour effet de l’entraîner dans un engrenage infernal causant des dégât irréparables.
David Joy livre encire une fois un roman d’une grande force, violent, d’une noirceur implacable, mais peut-être pas aussi réussi que ses deux précédents livres, notamment au niveau des personnages. Pas suffisant en tout cas pour bouder ce livre qui plongera le lecteur dans l’univers ténébreux et très dense de cet auteur qui n’a pas fini de nous surprendre avec ses histoires qui, à leur manière, racontent notre époque, en tout cas une Amérique très contemporaine dont on parle peu dans les grands médias.
Benoit RICHARD