Arnaud Floc’h aime l’Afrique et les Africains. Laissez-vous transporter par l’odyssée de Géant, l’ultime espoir des condamnés à mort.
Afin de financer son projet d’orphelinat, Géant est devenu passeur, il embarque des fugitifs vers l’exil. Un mois après la chute des Twin Towers, il charge sur sa forte pirogue un dissident communiste, un père et son fils maraboutés et deux jeunes voleurs, tous contraints de fuir le pays.
Arnaud Floc’h a vécu 20 ans en Afrique de l’Ouest. Son histoire est incarnée. Pour avoir habité, à la même époque, deux années près de Conakry, je peux certifier que ses personnages et ses décors sont véridiques, que ce soit dans la misère des orphelins, le petit confort des commerçants ou l’inquiétante opulence des puissants. Après une première lecture, j’ai fermé les yeux et ai retrouvé le son et les odeurs. Deux infimes réserves, il manque des mouvements de foules à sa ville et si j’ai observé des escadrilles de sombres vautours dévorer ordures et charognes, jamais je n’ai rencontré le jaburu qui orne la très belle couverture.
Très « ligne claire », le dessin semi réaliste et les aplats de couleurs naturelles sont toujours justes et épurés. Géant est calme, presque nonchalant. Les personnages bougent peu, le climat est pénible et la chaleur étouffante. Mais Floc’h sait varier ses effets, nous offrant de beaux cadrages, un tragique incendie et une violente tempête.
Floc’h signe un véritable polar tropical. Le dirigeant communiste fuit ses camarades pour avoir refusé la mainmise chinoise, le père et le fils ont été chassés par le sorcier du village, les gamins ont volé un parrain chinois. Tous sont condamnés à mort. Le passeur se souvient avoir été un gosse des rues, il a mendié pour survivre. Il doit de l’argent à un brasseur d’affaires, en cheville avec les Chinois. Solide, physiquement et moralement, il s’affirme musulman, mais prend ses aises avec la doxa religieuse, respecte les marabouts et a besoin d’argent.
Comment protéger ses amis, tout en subissant la pression du parrain et la vindicte de l’imam qui tient à agrandir sa mosquée. Jusqu’où est-il prêt à aller pour bâtir son orphelinat ? Peut-il refuser un service à un « ami » en danger ? Tuerait-il pour cela ? Ne le jugez pas trop vite… la lutte pour vie est sans pitié dans les bas quartiers de Conakry.
Stéphane de Boysson