Une soirée Life Is A Minestrone conçue comme un hommage à Costello, qui est devenue un véritable concert du duo country de My Darling Clementine, après une première partie inspirée de Popincourt !
L’idée de départ de nos amis de Life Is A Minestrone, c’était l’organisation d’une soirée hommage à Elvis Costello (qui, au fait, et contrairement à ce que certains en France pensent, n’est pas mort !) : pour le Costello country, on fait appel aux seigneurs britanniques de l’Americana, les étonnants My Darling Clementine, qui ont relevé le défi pour le premier concert parisien de leur histoire (« l’Olympia nous voulait, mais on a préféré être ici avec vous », plaisanta Michael Weston King à un moment de la soirée…). Quant au Costello pop / new wave, ce sera l’ami Olivier Popincourt qui s’y collera, au prix d’un travail acharné pour ne pas décevoir les fans de Costello !
Il est 20h45 quand, devant un public de nombreux passionnés – même si la soirée ne fera pas le plein, pénalisé par les vacances scolaires et le Covid – Popincourt démarre son set, qui sera constitué d’une alternance de chansons de Costello et de morceaux personnels. Olivier nous régale d’abord d’une anecdote sur sa propre découverte de la musique de Costello en 1987, 35 ans plus tôt, via une cassette C90 comme nous en enregistrions à l’époque pour partager la musique que nous aimions avec nos amis… Et c’est avec l’incontournable Alison qu’il ouvre la soirée. Il est ensuite rejoint par son complice, le pianiste Olivier Bostvironnois qui se voit confier la lourde tâche de remplacer Steve Nieve : pas de problème pour lui, sa culture classique / jazz lui permettra d’emprunter d’autres routes que celles du pianiste attitré de Costello !
On remarque un certain mimétisme vocal de Popincourt sur Lip Service, sans doute une sorte de réflexe naturel de chanter ces titres qui ont marqué notre inconscient en retrouvant le phrasé si particulier de Costello. Mais c’est quand Susan Shields rejoint le duo pour chanter le sublime Shipbuilding que la soirée impose totalement son évidence : à l’heure où les Russes envahissent l’Ukraine, c’est un choix certes involontaire mais absolument pertinent que cette chanson sublime, écrite contre la guerre des Malouines. « With all the will of the world, diving for dear life when we should be divine for pearls… » nous met les larmes aux yeux. Ce sera le sommet du set de Popincourt (même si sa version de Blue Chair sera formidable elle aussi…), et à notre avis, grâce à l’émotion qui nous saisit, le plus beau moment de toute la soirée.
Sinon, et ça nous fait plaisir de dire ça, des chansons de Popincourt comme The Grass of Winter Morning ou A Deep Sense of Happiness n’ont pas à rougir quand elles sont interprétées aux côtés de celles de Costello. On attend maintenant avec impatience le prochain album, dont l’enregistrement débutera d’ici peu, nous a-t-on dit… 35 minutes impeccables, malgré le trac que disait avoir Olivier Popincourt…
Entracte, consacrée aux bières, verres de vin, tranches de saucisson et morceaux de fromage, histoire de faire monter l’ambiance, et il est déjà 21h50 quand le duo de My Darling Clementine (Michael et Lou) attaque son set. Et nous serons gâtés car nous aurons droit à un concert complet de 1h30, avec 16 chansons, dont 5 de Costello qui seront regroupées au milieu de la setlist.
Même si notre hôte pour la soirée célèbre le « labour of love » du couple autour de l’œuvre de Costello, leur profond amour et respect pour lui (puisqu’ils le connaissent personnellement, et même si Steve Nieve a participé à l’enregistrement de leur album), c’est bien à un vrai concert de My Darling Clementine que nous assistons. Lou et Michael sont un couple à la ville comme sur scène, passionnés de country US : Michael nous rappelle que c’est Costello qui a fait naître au début des années 80 chez les jeunes punks britanniques l’amour de la country music, et que, pour ça « il lui en sera toujours reconnaissant, même si, du coup, il restera toujours pauvre ! ». Beaucoup d’humour anglais ce soir dans les présentations des chansons, et les interactions avec le public, de la part de ce couple qui joue en permanence sur le thème des conflits entre mari et femme, que ça soit en chanson (puisque les crises conjugales sont également un sujet classique en country music) ou au cours de véritables petits sketches en forme de prises de bec conjugales.
Musicalement, la proposition de My Darling Clementine est un duo vocal – avec deux voix remarquables, Lou ayant des intonations country classiques, et Michael bénéficiant d’une texture de voix superbe – s’appuyant en live sur une simple guitare sèche ou sur un piano. Les premiers morceaux ressemblent beaucoup à un échauffement, jusqu’à un roboratif Going Back to Memphis qui rend hommage au compositeur Tom T. Hall (ce sera d’ailleurs l’objet d’un échange avec le public sur Eddy Mitchell… !), puis un joli Friday Night at the Tulip Hotel, sur un couple adultère au Golden Tulip de Rotterdam, sur lequel Mabel, la fille du couple, les rejoint à la flûte.
Des cinq morceaux de Costello joués ce soir, on retiendra surtout les deux extraits de King of America, Indoor Fireworks et I’ll Wear It Proudly, tous deux magnifiques. Le set se termine sur un beau moment émouvant en hommage aux parents décédés de Lou et Michael, Ashes, Flowers and Dust, avant un (faux) rappel de deux chansons, une reprise de Hank Williams (Your Cheatin’ Heart) à 3 voix avec Mabel qui a hérité du talent de ses géniteurs, et un excellent 100.000 words, qui revient avec lucidité et tendresse sur l’usure de l’amour dans le couple.
Ovation générale, et mission accomplie pour My Darling Clementine que ce premier contact avec le public parisien, même réduit. Si la Country Music ne bénéficie pas en France de la même passion qu’elle soulève au Royaume-Uni, le duo a bien arpenté son territoire.
Quant à Costello, eh bien, nous attendons maintenant que Life Is A Minestrone le contacte directement pour venir défendre lui-même ses chansons. Ce serait cool, non ?
Texte : Eric Debarnot
Photos : Eric Debarnot et Philippe Dufour