Pourrions-nous vivre en bonne intelligence avec des zombies ? Ou plutôt, les zombies pourraient-ils vivre parmi nous ? Voilà la question, à la fois politiquement pertinente et joyeusement absurde que pose La Vie de ma mort, compilation hilarante de gags… bien saignants…
Les zombies sont partout. Sur nos écrans bien sûr, et peut-être bientôt dans nos villes pour un « grand remplacement » qui donnera de nouvelles sueurs froides à nos démagogues populistes. Mais est-il si facile que ça d’être un zombie au milieu d’une population humaine largement hostile ? C’est la question brûlante que pose Fortu dans son étonnant La Vie de ma mort : après les immigrés et les homosexuels, c’est au tour des morts vivants de connaître les affres de la discrimination !
Parce qu’il n’est pas facile de faire ses courses quand on se nourrit de chair humaine, d’avoir des amis quand on a surtout envie de les mordre, de passer inaperçu quand on perd des membres ou des os au moindre choc… comment donc survivre dans une société intolérante et animée par la peur de l’autre, de l’inconnu… surtout quand on est déjà mort ?
La Vie de ma mort est-il vraiment un livre politique, un pamphlet contre notre société si peu accueillante ? Ou bien simplement une remarquable plaisanterie, aux ressorts certes évidents (qui a vu Walking Dead ne saurait être surpris !) mais finalement inépuisables ? Les gags sont concentrés, de manière classique, sur deux pages avec chute finale… sauf lorsque le déroulement d’une situation plus riche et plus complexe le nécessite : ainsi, l’inénarrable histoire de la rencontre avec les parents humains d’un enfant dont l’œil a reçu le doigt du rejeton de la famille zombie, occupe une bonne seconde partie du livre. Et c’est très bien comme ça, parce qu’on rit beaucoup, tout en fantasmant de temps à autre sur nos propres réactions dans de telles circonstances, qui, aussi improbables soient-elles, paraissent finalement bien familières.
Avec des dessins qui tiennent souvent de la simple esquisse et nous épargnent donc les évidences ultra-gore du scénario, avec un usage de la couleur astucieusement limité à la teinte de la peau et aux bulles (vertes pour les zombies, oranges pour les humains, ou plutôt les (encore) vivants), Fortu adopte un ton léger, qui surprend et enchante par rapport à son sujet.
Et si, à la fin, on ne sait pas très bien la nature de la BD qu’on vient de lire, on ne peut pas s’empêcher de la reprendre au début. Comme une plaisanterie facile mais dont on ne se lasse pas.
Eric Debarnot