Envie de traverser un désert à fond la caisse au volant d’un camion bourré de stupéfiants, tandis que des bikers survoltés essaient de vous butez ? Eh bien, Mezkal satisfera sans doute pas mal de vos fantasmes, ou vous offrira au moins une évasion dantesque et colorée vers un monde d’aventures, de violence et de stupre. Et pourquoi pas ?
Si vous avez rêvé de lire une BD où les courses-poursuites entre camions et bikers azimutés semblent sortir directement de Mad Max, où les personnages carburent aux drogues traditionnelles indiennes comme dans le Blueberry de Jan Kounen, au point de franchir – dans les deux sens – les barrières entre la Vie et la Mort, où un nain hargneux peut être patron d’une agence US, où Vanaka, le héros, est un guitariste de rock brillant mais méconnu, parti surtout à la recherche d’un père disparu lui aussi rocker solitaire, où les femmes sont, évidemment, belles, sensuelles et traîtresses, etc. etc., alors Mezkal est fait pour vous.
Le dessin et les couleurs (surtout les couleurs, magnifiques…) de Jef vont vous en mettre plein la vue – avec certaines pages qui sont un régal pour les yeux… Même si, curieusement, la représentation réaliste des personnages se permet régulièrement des dérapages caricaturaux qui peuvent vous désarçonner !
Le scénario de Jef et Kevan Stevens adopte, sans craindre les clichés, la formule du thriller contemporain, c’est-à-dire ultra-violent, régulièrement frénétique… parfois ni très logique ni cohérent : Mezkal est aussi une belle aventure dans les paysages désertiques de la frontière entre les US et le Mexique, qui sait nous réserver des pauses contemplatives, ou des moments d’introversion qui confèrent une épaisseur bienvenue aux personnages. Si Mezkal active efficacement notre sécrétion d’adrénaline, il est dommage que l’on sente dans la dernière partie une sorte d’accélération de la narration, qui s’avère frustrante : l’épopée sauvage de Vanaka se termine sur des ellipses déroutantes, comme le fait de ne rien nous montrer du dernier affrontement entre truands et policiers, qu’on est réduits à imaginer… Jef et Kevan Stevens nous quittent sur une fin brutale à cette histoire de près de 200 pages, qui aurait peut-être dû en faire le double pour aller réellement au bout de son sujet.
… Vous nous avez compris : si vous êtes à la recherche d’un livre doux et romantique, sans membres arrachés ni impacts de balles, ou bien si vous préférez votre BD lorsqu’elle est sociale, politique, ou même simplement proche de notre réalité quotidienne, il y a fort à parier que Mezkal vous tombera rapidement des mains. Pour les autres, pour ceux qui préfèrent le plaisir brutal d’une fiction de tous les excès, nous sommes prêts à parier qu’ils goûteront aux hallucinations « bigger than life » de Mezkal.
Eric Debarnot