Avec Tangerine, les parisiens de Persica 3 nous offrent 7 morceaux pour 25 minutes d’une musique lumineuse et sensible, chaleureuse et riche (et simple à la fois). Des morceaux superbes de subtilité, de joie, de sérénité.
Que peut-on attendre d’un groupe qui a un nom d’exo-planète dans un roman des années 1970 de la collection Anticipation chez Fleuve Noir ?! Mais, attention : ce serait une erreur d’aborder l’album de cette façon ! Ce serait le meilleur moyen de louper ce qui se révèle être un bel et grand (n’hésitons pas) album. Un de ces albums qu’on peut largement apprécier sans qu’il ne soit nécessaire de le relier à l’histoire de la pop, ou d’enchâsser dans une lourde tradition, faites de grands ou de petits noms – même s’il y a quelque chose du Lotus Plaza de, par exemple, Overnight Motorcycle Music (2014) ou de Spooky Action At A Distance (2012). Tangerine se suffit à lui-même. L’émotion immédiate (et durable) que l’album procure nous suffit.
Tangerine est d’abord un bel album parce qu’il a une superbe pochette et ça n’est pas un hasard. L’objet fait envie. Ensuite, c’est un bel album, comme il y a de belles personnes, parce qu’il dégage une aura incroyable. Même si les paroles ne sont pas toujours d’une gaîté folle, la une musique est faite de lumière et de chaleur, de douceur, de joie et de plaisir. Impossible de ne pas entendre ces morceaux sans finir par avoir le sourire, sans se détendre et se laisser aller. C’est un paysage de Toscane sous un soleil de fin d’après-midi. Une plage presque vide où la mer se prélasse et quelques – pas trop – enfants jouent paisiblement. Ou, puisqu’on parlait de planètes, un séjour en apesanteur au dessus d’une forêt mystérieuse. Et l’expérience se renouvelle, à chaque écoute, c’est garanti.
Si Persica 3 réussit à nous emporter de la sorte, c’est grâce à une musique d’une grande subtilité et, en même temps, d’une grande complexité. Les arrangements et ajouts – rires, gloussements, craquements et cigales et autres plus difficilement identifiables – font de l’album une découverte permanente. Aussi, cela contribue à donner une épaisseur très intéressante à la musique. Mais ça n’est pas tout. Ces « bruits » qui viennent nous chatouiller l’oreille s’ajoutent à des voix illuminées, éthérées, des murmures, des caresses ; se mélangent à des arpèges de guitares délicats. Un bel album, donc. Plein de grands moments…
Un très grand moment que Faux Punk, qui utilise cette recette – guitares légères plus des couches de chant – agrémentée ici par une rythmique très entraînante. Faux Punk est l’un des morceaux les plus rapides. Un morceau aérien. Comme Water Lily, d’ailleurs, qui ouvre l’album. Deux morceaux très similaires, même si Faux Punk est plus électrique et probablement plus lumineux. Autre grand moment, et autre morceau lumineux et extrêmement joyeux – heureux – que Get By, un morceau où on balance doucement au gré d’une musique tiède comme un vent de printemps ! Mais sur Tangerine, la lumière et la chaleur viennent de partout ! De la guitare, de la voix, des synthés aussi – comme sur Tangerine, ce beau morceau d’électro-ambient très aérien, atmosphérique. Un morceau d’une minute à peine qui sert de transition entre les deux faces de l’album. Une deuxième face faite de morceaux – VHS, Elliott et Unflattering/Untitled—quasiment uniquement basés sur des arpèges et voix. Plus lents, peut-être, plus proches de l’auditeur. Plus intimes. Mais qui créent toujours la même atmosphère de joie et de sérénité.
Alain Marciano