Dans ce deuxième volet de la saga familiale le « Pays des autres » on retrouve la famille Belhaj au moment où le Maroc accède à l’indépendance. Une période trouble où chacun doit trouver sa place dans une société en pleine mutation.
On avait refermé le premier tome de la saga Le pays des autres au moment où le Maroc conquiert son indépendance, en 1956, laissant augurer une nouvelle ère, et surtout plus de modernité à l’aube de ces années 60 qui allaient révolutionner la société occidentale. Dans
On retrouve tous les personnages que l’on avait découverts et appris à aimer, notamment cette famille Belhaj à la tête de laquelle on retrouve Amine et Mathilde, un couple franco-marocain propriétaire d’une exploitation agricole à Meknès qui n’a cessé de prospérer au fil des années. Devenus « des gens qui comptent », Mathilde et Amine fréquentent les occidentaux, font construire une piscine pendant que leur fille Aïcha termine ses études de médecine en France, venant rendre visite de temps à autre à ses parents. Le frère d’Aïcha, Selim, lui, a choisi la voie de l’émancipation, désirant s’éloigner au plus vite du foyer familial. Mais cela ne va pas se faire sans heurt, d’autant que son attirance pour sa tante Selma, avec qui il va nouer une relation secrète, ne va pas lui faciliter les choses.
Pendant ce temps, le changement s’effectue dans la douleur pour les marocains, la répression se fait de plus en plus violente auprès des manifestants étudiants et des opposants politiques. Mais Amine lui a confiance en Hassan II, il croit à la redistribution des terres promise aux agriculteurs.
Cette seconde partie qui couvre principalement les années 60 et début des années 70 raconte l’évolution de la famille Belhaj va évoluer au cours des années, avec un père qui a du mal à accepter l’arrivée du changement et des enfants, qui eux ont pris le large et son résolument tournés vers l’avenir, la modernité, vers les musiques pop rock, venue d’Angleterre ou d’Amérique.
Un second volet dans la continuité du premier donc, dans lequel Leïla Slimani parvient une fois encore à faire vivre ses personnages avec une force incroyable, faisant évoluer ces hommes et femmes avec beaucoup de finesse et de nuance dans un récit donnant lieu à des scènes toutes aussi forte que dans le premier roman. On retiendra notamment la scène du mariage d’Aicha (qui résume presque elle seule la tonalité du livre) ou encore c’est quelques scènes plein de sensualité évoquant les rencontres secrètes et charnelles entre Selim et sa tante Selma. Il y a aussi cette scène assez drôle où le père d’Aïcha, accueillant sa fille à l’aéroport, ne la reconnait pas tout de suite avec sa frange ses cheveux lissés comme Françoise Hardy.
Peut-être moins sombre et dur que ne l’était La guerre, la guerre, la guerre, mais avec toujours ce style limpide, ses descriptions précises et détaillées, cette dimension romanesque indéniable, Regardez-nous danser est encore une fois une réussite, un beau roman, plein de vie, dans lequel l’auteur ne cherche jamais l’émotion facile. Un récit riche et captivant, avec encore une fois, en fil rouge, le thème de la condition féminine, du rapport entre les hommes et les femmes.
Benoit Richard