Si Damon Albarn est souvent associé, entre autres, à sa qualité de frontman des iconiques groupes Gorillaz et Blur, sa triple prestation à la Philharmonie de Paris le week-end dernier s’articulait exclusivement autour de The Nearer the Fountain, More the Stream Flows, deuxième album paru sous son nom en novembre 2021, et projet musical porté sur l’Islande.
C’est avec une ponctualité impeccable qu’à 20h30 les lumières de la Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris s’éteignent pour cette troisième et dernière session sold out du concert-concept de Damon Albarn. C’est d’abord un quator à cordes qui pénètre sur la scène, sur laquelle le matériel est installé avec une rigueur toute nordique – un matériel encore tout chaud de la précédente représentation de 16h30. Un curieux personnage perturbateur lance des sifflements et des onomatopées depuis le parterre, avant de rejoindre les musiciens sur scène, en narrant un récit dans un langage qui s’avèrera être de l’islandais ; il s’agit du poète Einar Örn.
Après ce démarrage de cinq (trop longues) minutes qui s’avère assez décontenançant, Damon Albarn monte sur scène, accompagné du reste des musiciens : il y a Seye Adelakhan à la basse, Simon Tong (de The Verve) à la guitare, Mike Smith aux claviers, et Seb Rochford à la batterie, soit un line-up en somme identique à celui du récent concert à la Gaîté Lyrique, lors du ARTE Festival de novembre 2021.
L’ouverture est calme, mais on est très vite happé par le prodigieux et aérien The Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows, suivi par The Cormorant : piano, récital lyrique et percussions synthétiques – sans doute en relation avec la disparition de son camarade de longue date, l’illustre batteur Tony Allen. Malgré l’impressionnante panoplie d’instruments sur scène, le rendu final sonne relativement minimaliste.
Le tempo devient plus dynamique sur le très entrainant Royal Morning Blue ainsi que l’instrumental expérimental et agité Combustion, durant lequel Damon troque son piano pour un lur islandais (c’est une sorte de longue trompette) créant l’amusement général du public, avant un retour au calme sur Draft Wader et Darkness to Light, sur lesquels certains cuivres daignent se faire entendre discrètement .
La suite du concert enchaîne trois titres instrumentaux rendant dignement crédit à l’acoustique de la salle et qui, le temps d’un instant, nous font voyager, via quelques effluves sonores dans l’essence même du concept, en terre de glace et de feu : Esja (sans doute en allusion au volcan Eyjafjallajökull, ndlr), The Tower of Montevideo, puis Giraffe Trumpet Sea, le tout avec un Ægishjálmur (symbole islandais, ndlr) subtilement projeté dans les pénombres de la scène. Le concert se terminera sur deux derniers tracks : Polaris puis l’émouvant Particles.
En guise de rappel, les musiciens reviennent quelques ultimes minutes sur scène pour interpréter trois morceaux : The Bollocked Man, Island et Strange News From Another Star – seule reprise de Blur et seul titre de la setlist qui ne soit pas extrait du dernier album.
Si certains fans de la première heure de Gorillaz ont pu être déçus – voire désagréablement surpris – par cette prestation, au point même de parfois quitter la salle avant la fin, la majorité du public a été conquise et subjuguée par ce réel voyage des sens et des émotions, constituant un spectacle en honneur à la lointaine, passionnante et mystérieuse contrée insulaire islandaise, le tout prenant sa réelle dimension via l’acoustique de la sublime grande salle de la Philharmonie de Paris.
Texte : Nayl Badreddine
Photos : Joachim Bertrand / Philharmonie de Paris