L’édition deluxe de l’album Concorde du groupe Le couleur est parue ! 23 morceaux de musique gaie et dansante, mélancolique, drôle et grinçante. Du second degré pour faire danser. De l’excellente pop-disco-électro.
Quelquefois (rarement), après avoir hésité et résisté, le chroniqueur finit malgré tout par céder à la facilité en disant, par exemple, que la musique de Le couleur, a une bien belle couleur et de beaux reflets chatoyants, une palette chromatique riche et profonde. Qu’elle donne dans le pastel, soyeux et doux, mais brille aussi des feux des paillettes que le groupe jette ici et là pour égayer ses morceaux. Pourtant, c’est tellement vrai. Ne pas penser à ces métaphores douteuses mais colorées en écoutant Le couleur ? Impossible !
Ce Concorde (deluxe edition) est donc la version enrichie de l’album original sortie en septembre 2020. Des morceaux originaux, des remix, des lives. Pour les amoureux du groupe montréalais et celles et ceux qui avaient craqués sur leur pop-électro subtile et déjà colorée de P.O.P. (2016), c’est une vraie chance ! Même si le groupe dit avoir changé sa manière d’enregistrer, ayant choisi une approche plus libre, plus collective, sous forme de jam, le son, l’ambiance, les tons n’ont guère changé. C’est la même pop alerte, aux racines disco, souvent dansante et gaie, très rythmée (percussions ou guitares font leur petit effet), quelque fois frénétique, déjantée, enthousiasmante. Toujours ces mélodies auxquelles il est difficile de résister (et cette chaude et caressante) ! Encore cette basse ronde, cette batterie métronomique, ces claviers acidulés qui déraillent souvent.
Et puis la musique de Le couleur est aussi pleine d’humour et de second degré. Comme ce délicieux Concorde, un slow très seventies qui commence comme une chanson d’amour parfaite (“Corps contre corps/Sentir ta chaleur/Sans pouvoir se sortir de l’apesanteur ”) et qui se révèle être une chanson sur un des avions les plus remarquables de l’histoire de l’aviation ! Une chanson presque triste (“Tu te fracasseras/Près de Roissy”). Un second degré qui confine souvent à l’humour noir… Sur Concorde donc. Silenzio, autre exemple, morceau sur lequel on pourrait danser toute la nuit qui nous propose un rendez-vous pour un duel à mort et qui termine mal (“C’est sur son corps nu/Que la balle s’est perdue/Baiser de la mort/Tu es fichu/Silenzio”). C’est aussi le cas de Silhouette, les guitares et les percussions et les synthés cachent remarquablement une histoire légèrement glauque !
En fait, il apparaît assez vite que l’album de Le couleur est profondément mélancolique (Oiseaux Sauvages ou Excellence Europe-Express, et Témoin sur le tarmac ). Au-delà des paroles, il y a souvent un son, une intonation qui donne un tour moins brillant à la musique. Et puis, il ne faudrait pas réduire Le couleur à de la (bonne) pop-disco-électro capable de mettre le feu. Les morceaux sont sophistiqués, intelligents, combinant différentes ambiances, plus que quelques styles musiques. Désert le premier morceau de l’album est de ce point de vue remarquable. Presque 7 minutes de légèreté soyeuse, swinguant délicatement avant de devenir quasiment psychédélique… ou le franchement réjouissant Vol de nuit, un instrumental qui aurait servir de générique à un épisode de Shaft. Le couleur est définitivement un groupe complexe.
Alain Marciano