Après une première partie enthousiasmante des Parisiens d’Entropie, les Bruxellois de BRNS nous ont offert un set cérébral et puissant : encore une belle soirée dans notre chère Maroquinerie !
20h00 : Peut-être que tous les groupes qu’on aime – et même ceux qu’on n’aime pas – ont commencé comme ça, avec cette fougue, cet enthousiasme, cette énergie… De la jeunesse ? Des débuts ? Avant que l’entropie ait fait son œuvre et que tout se soit abimé…
Justement, les 4 jeunes parisiens sur scène ont choisi de s’appeler Entropie, et on imagine que c’est pour conjurer le sort ? Dès le premier morceau, Suffocation, il y a une joie formidable qui se dégage de leur musique, et on pense un peu à la Brit Pop d’il y a 15 ans, quand on dansait sans soucis sur Kasabian, Kaiser Chiefs ou Razorlight… Des mélodies qu’on pourrait facilement chanter avec eux, des guitares survoltées, et même un soupçon de soul et de groove. Avec, en bonus chez Entropie, une section rythmique étonnante : la basse qui gronde et cisaille, placée bien en avant, le batteur qui nous gratifie de roulements vigoureux. Tout bien, quoi ! La meilleure chanson du set ce soir s’appelait Jungle, et ça a commencé à être la folie dans la Maro quand on crait tous : « Fire ! Fire ! ». On remarquera particulièrement, avant un final excitant, la surprise de Ethic Classes, qui commence en rap avant de s’épanouir en chanson euphorique à reprendre tous en chœur, et qui prouve que ces jeunes gens ont de l’imagination. 40 minutes impeccables, qui ont paru appréciées par l’ensemble du public, il est vrai constitué en partie de fans et d’amis du groupe. Entropie ont sorti un court album de 8 titres, The Dancing Plague, l’année dernière, mais c’est clairement sur scène qu’il faut les écouter.
21h10 : nos quatre amis bruxellois de BRNS – prononcez Brains – sont disposés en arc de cercle, et joueront tout leur set dans une obscurité brumeuse qui les dissimule et empêche les photos. Le concert commence dans une sorte de psalmodie délicate de Timothée, le batteur qui est la principale voix de BRNS – qu’il chante d’une voix très haut placée tout en faisant grincer ses cymbales : « Can you say that you know / What you mean when you draw / Can you say that you show / A meaning of your own… ». C’est mystérieux, c’est intime, c’est une belle introduction qui nous happe dans l’univers étonnant du groupe…
Et ce qui suit va poursuivre dans un registre abstrait, pour ne pas dire étrange, et donc témoigne d’une démarche largement plus intéressante que celle consistant à rejouer le glorieux passé du Rock en boucle. BRNS, au moins, ne ressemblent à pas grand-chose d’autre, et méritent toute notre estime pour ça. Il y a quelque chose de primitif, de tribal au cœur de leur musique, et en même temps des ambiances indus qui frôlent le malaise. La plupart du temps, ce sont les claviers et la section rythmique qui mènent le bal, avec la voix qui divague par là-dessus et la guitare électrique, très peu conventionnelle, qui grince, qui tonne, qui crie, qui soupire. On ne peut pas parler de morceaux traditionnels même si, de temps en temps, un chaos bruitiste mi post-rock, mi post-punk nous aide à retrouver brièvement nos marques.
Tout n’est pas plaisant, tout n’est pas passionnant chez BRNS : parfois l’abstraction l’emporte un peu trop, et l’originalité du geste artistique semble presque forcée. My Head Is Into You, titre plus accessible, est d’ailleurs accueilli par les cris des fans, et se déploie de très belle manière (« Let’s Dance into my arm sinto my arms with your Head »). Près de la fin, Here Dead He Lies, l’un des titres des débuts de BRNS, retrouve cette même énergie, pas aussi déconstruite, aussi complexe que sur d’autres morceaux. Au bout d’une heure seulement, la belle équipe quitte déjà la scène, mais ils nous offriront quand même un rappel, pas forcément prévu (en tout cas, il ne figurait pas sur la liste), avec l’un de leurs premiers titres, Mexico, qui nous offre enfin la possibilité de chanter un peu sur son refrain qui semble bien décalé : « I’ve never been to Mexico / I’ve never been to ooh oh oh »…
Même s’il est difficile de s’exciter vraiment sur la musique ultra-conceptuelle de BRNS, ça aura été une bien belle soirée : comme une nécessaire célébration de l’intelligence de la musique en ces temps barbares.
Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot