Après un premier EP intéressant, Paul Verwaerde donne à la musique de Fontanarosa une vraie ampleur. Il combine avec bonheur des morceaux rapides à d’autres plus lents, des ambiances post-punk à d’autres plus sixties. Cela donne un album varié mais homogène. Et surtout un très bon album.
Celles et ceux qui ont connu Paul Verwaerde avant Fontanarosa pourront être surpris par ce Are your here? Le temps de Monotrophy, de ces longs morceaux (entre 8 et 10 minutes chacun) de math-rock instrumental, fait de guitares lourdes et de batterie (tenue par Julien Savoye) métronomique, qu’on avait écouté sur Steam Engines (2016) et MICAS (2018), semble loin! Pas d’instrumentaux ici, rien de noisy et dense et des morceaux plus proches des 3 minutes que des 10. Et même Fontanarosa (2020), le premier EP de Paul Verwaerde sous ce nom, et ses 6 morceaux courts (à peine 3 minutes chacun) de pop punchy et mélodique semblent lointains. Certes, on trouve déjà sur Fontanarosa ce qui est sur Are You Here ? On reconnaît d’un morceau à l’autre le même sens de la mélodie, de la composition pop, cette capacité de trousser des chansons. Mais les morceaux du précédent EP étaient des prémisses, des bases posées. Des morceaux prometteurs et intéressants qui sont ici dépassés et raffinés. La musique de Paul Verwaerde – ici accompagné du groupe qui joue avec lui sur scène, Florian Adrien, Grégoire Cagnat, Kevin Lafort – prends son envol, prend ses aises dans des formats un peu plus longs. Cela reste sa musique, mais elle s’épanouit et respire.
Comme avec son précédent album, c’est la guitare qui domine. Une guitare toujours aussi tranchante mais bien plus cristalline et aérienne que sur Monotrophy, par exemple. Cette guitare donne à l’album une grande cohérence, qui se maintient sans problèmes malgré des ambiances et des rythmes qui peuvent varier d’un morceau à l’autre. Par exemple, même si l’ensemble de l’album est plutôt rapide et dynamique, Paul Verwaerde n’hésite pas à ralentir le rythme en nous gratifiant de morceaux un peu plus lents, des ballades pleines de douceur et d’une certaine mélancolie (Anytime et Final Distance Ghost) qui sont extrêmement réussies. Et puis il y a ce long morceau qui clôture l’album, plus de 6 minutes, qui mélange avec un vrai bonheur différents rythmes. Un départ plutôt lent, une longue introduction qui nous tient en haleine avant que le morceau n’accélère, ne gagne en vitesse et ne devienne quasiment festif grâce à des riffs de guitares joyeux.
On retrouve un côté joyeux et lumineux sur Hold On et Days Go By , encore une fois grâce à la guitare et à la voix, légère et aérienne ici. Ces morceaux ont un côté très pop fin des 1960s particulièrement agréable. Et comme ces morceaux arrivent au milieu de l’album, cela détend un peu l’atmosphère qui reste, malgré tout, assez sombre. En tout cas, c’est le cas sur Way In Out, All By Myself ou Off Motion qui sont vraiment d’excellents morceaux et qui marquent l’album. Un rythme rapide, un son rond, des arpèges de guitare, une voix plus grave — Il ne manque qu’une basse plus présente et plus ronde pour se retrouver chez Interpol; il ne manque que des guitares plus lourdes pour se retrouver chez les Strokes. Mais Paul Verwaerde ne franchit pas le pas reste chez lui, dans son près carré, avec sa musique et sa personnalité. Et c’est une bonne idée. L’album est très bon !
Alain Marciano