On attendait énormément de Last Train ce soir, pour ce premier Olympia complet, ce qui est quand même un véritable événement pour un groupe de Rock indépendant, qui joue une musique personnelle sans compromis commerciaux d’aucune sorte…
On attendait par exemple qu’ils surpassent leur exploit du Trianon en novembre 2019, ce concert qui est devenu réellement mythique, comme on dit trop souvent (mais cette fois-là, c’était pleinement justifié…), ce moment de pure émotion inoubliable. Et l’Olympia était littéralement en ébullition avant même que les quatre garçons d’Altkitch entrent sur scène…
20h : Le rideau rouge de l’Olympia s’est à peine levé que Lulu Van Trapp démarrent pied au plancher, ce qui est évidemment la bonne stratégie devant un public aussi avide de musique et d’excitation. Et ce qui fait – évidemment – un bien fou. Les quatre musiciens parisiens sont alignés devant nous, du batteur à notre gauche au bassiste à droite. Au centre, Maxime, guitariste énervé et chanteur à la bonne voix grave, nous plait bien avec son look « titi du XXIè siècle » : rouflaquettes et béret vissé sur la tête. Devant nous, Rebecca, chanteuse « à voix » des plus impressionnantes et présence sexy. On a le droit de penser aux Rita Mitsouko (même si l’on imagine que c’est une comparaison dont ils doivent avoir plus qu’assez !), ou encore à la Femme, avec ce mélange fantaisiste de surf rock psyché et de chanson française à haut degré d’émotion. C’est gai, c’est excitant. Et puis le chant de Rebecca se fait plus soul « classique », et on termine dans un registre que l’on qualifiera de « grande voix féminine ». Quelque part, le lien entre ces deux genres musicaux n’est pas évident, et les transitions d’un style à l’autre surprennent, mais cela constitue sans nul doute l’originalité de Lulu Van Trapp. Par contre, on a été un peu frustrés que le set s’arrête au bout de 25 minutes seulement ; alors qu’ils pouvaient encore jouer une chanson de plus dans la demi-heure impartie. Rendez-vous est donné à la Maroquinerie le 7 avril.
21h : On attendait certainement trop, en fait, de Last Train. Et ce soir, Last Train ont été grands, à la hauteur de leur légende… mais pas autant que ce qu’on avait espéré. La faute peut être à un son inférieur à ce qu’ils nous proposent d’habitude, parfois pas assez fort pour couvrir le bruit du public, avec la voix de Jean-Noël pas suffisamment audible, en particulier depuis les premiers rangs. La faute sans doute aussi à un public vraiment turbulent, et pour une fois, pas dans le bon sens du terme : plusieurs altercations, dont une tellement bruyante qu’elle a empêché le groupe de commencer le morceau suivant, beaucoup de cris stupides pendant les passages calmes ou contemplatifs au piano, qui avaient pour effet de nous faire sortir de l’atmosphère émotionnelle caractéristique du groupe. Et peut-être aussi, pour la première fois, un drôle de sentiment d’excès de ruptures – même si ces breaks et ces changements de rythme sont l’une des plus belles caractéristiques de la musique de Last Train – qui empêchait et l’excitation et l’émotion de se déployer aussi puissamment qu’à l’habitude.
Le set a magnifiquement commencé, avec quelques beaux pics d’intensité, comme sur un Way Out irrésistible… mais le groupe n’a pas tout-à-fait réussi à maintenir son habituelle magie sur la longueur. Le break avec l’interprétation conjointe avec Bandit Bandit de l’une de leurs chansons, Maux, a permis au concert de repartir, et Leaving You Now, datant de sept ans déjà, reste l’une des plus belles tueries de Last Train. Le problème de manque de tension est ensuite réapparu au cours des vingt minutes du nouveau morceau, How Did We Get There, avec ses passages au piano trop longs, des vocaux souvent inaudibles, et une impression lancinante d’un groupe qui se perd en chemin… malgré l’intention, très louable, de faire évoluer sa musique.
Heureusement, après cette expérience plus mitigée qu’à l’habitude, vint le final, avec un The Big Picture absolument magnifique, qui reste à notre avis ce que Last Train a écrit de meilleur, et ce qui leur permet de se transcender littéralement en live. Là, enfin, les larmes ont coulé à nouveau, et on a à nouveau adoré Last Train !
Vu l’enthousiasme général du public de l’Olympia, ces quelques réserves, qui correspondent certainement à une attente excessive de notre part (mais c’est la faute de Last Train, non ? Ils n’avaient qu’à pas toucher aussi clairement au sublime au Trianon !) ne sauraient remettre en question la formidable puissance de ce groupe, qui est devenu en quelques années l’une des plus belles incarnations d’un rock français aussi populaire qu’exigeant…
… Alors, comme on chante depuis toujours, (Last) Train kept a rollin’ ! Pourvu que ça dure encore très, très longtemps.
Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot