Après sa trilogie Reykjavik noir, Lilja Sigurdardóttir revient avec un autre polar sur son petit pays. Plusieurs intrigues qui s’emboîtent et se développent autour d’une sacrée galerie de personnages. Un roman qu’on lit d’une traite, tant on se languit de voir comment il va terminer.
Depuis Maj Sjöwall et Per Wahlöö, les glaciers et la banquise ont fondu, nous emportant du grand nord de très bons, bons, moyens ou même mauvais polars. Pour éviter de froisser quiconque, on ne citera pas de noms. Et pour laisser au lecteur le plaisir de se faire son jugement, on ne dira pas non plus dans quelle catégorie se classe ce Froid comme l’enfer. Mais l’écriture manque un peu de rigueur et de précision. Tout est un peut trop expliqué, au cas, assez improbable, où le lecteur n’aurait pas compris et Lilja Sigurdardóttir caricature un peu trop ses personnages. Ceci étant, le roman se se lit d’une traite, les pages tournent presque toutes seules dans l’impatience de savoir comment toutes les histoires qui se nouent vont finalement se dénouer. Comme dans ces films ou séries dont on a deviné la fin mais qu’on continue de regarder pour voir la tête que tous ces gens vont faire au moment où tout sera révélé.
Peut-être est-ce parce que Lilja Sigurdardóttir traite de sujets majeurs (la violence conjugale et le pouvoir des femmes, la fraude fiscale, les migrants, la justice et l’injustice) et d’autres moins majeurs mais très importants aussi (les rapports entre sœurs, entre mère et filles, mère et fils, l’amour…). Peut-être aussi parce qu’on s’attache aux personnages qui sont, certes, exactement et aussi pas du tout ce qu’on attend d’eux. Et aussi parce que toutes et tous sont mauvais ou presque : hommes ou femmes — dont on peut un moment avoir l’impression qu’elles vont avoir la part belle !
Plus ou moins dans l’ordre, le casting est le suivant. Il y a la brune Ísafold (fine, belle, insouciante mais on ne verra que sa main, tendue depuis une valise), la blonde Aurora (sa soeur cadette, presque une jumelle, qui vit en Ecosse et est spécialisée dans la traque de fraudeurs fiscaux et d’escrocs), Violet (la mère des deux), Hákon (un criminel en col blanc, un escroc de haut vol, qui cherche à voler trop haut), Daniel (le marie d’une tante des deux soeurs, policier de son état, et qui a l’air d’aimer que les choses soient bien en ordre), Björn (le petit ami d’Ísafold, qu’il bat et oblige à voler des médicaments aux personnages âgées de la maison de retraite ou elle travaille), Ebbi (le frère de Björn, aussi gentil que son frère est méchant), Grímur (un névrosé, très névrosé, qui déteste les poils et se rase intégralement, du haut du crâne au dessus des pieds, deux fois par jour), Olga (qui a perdu son fils et accueille Omar un réfugié syrien dont la demande d’asile a été rejetée) et Omar (le réfugié syrien qui, à part quelques sautes d’humeur compréhensibles après ce qu’il a dû vivre, a le coeur sur la main), Agla (tatouée sur les bras, infiltrée auprès de Hákon pour le faire plonger).
Ces personnages se trouvent impliqués dans une série d’histoires qui s’enroulent les unes autour des autres à partir d’un point de départ: Ísafold a disparu depuis 3 semaines et sa mère est très inquiète et elle demande à Aurora de la chercher. Aurora et sa soeur ne s’entendaient pas trop, au point qu’Ísafold l’avait même bloquée sur Facebook. Mais, persuadée que cela ne prendra que quelques heures, quelques jours au maximum, Aurora accepte. Aussitôt arrivée, elle rencontre Hákon avec qui elle a une aventure, avant de se rentre compte que c’est un escroc et de décider de le faire plonger — Aurora a plus le sens de la justice (fiscale) que le sens de la famille. Si bien que, pour elle, cette seconde enquête prendra le pas sur la première… Heureusement, Daniel accepte de donner un coup de main (en partie parce qu’il succombe au charme d’Aurora, qui succomberait bien au charme de Daniel si elle n’avait déjà succombé à celui d’Hákon). Mais Daniel n’arrivera pas à trouver Ísafold. Quant à Grímur, Olga et Omar, lisez le livre pour savoir leur rôle dans l’histoire. Il faut bien laisser un peu de suspense. Mais sachez que tout ne finit pas mal. Justice est faite.
Alain Marciano