Avec Judge Dredd : Contrôle, Delirium présente une version contemporaine et parodique du Judge Dredd. Les très talentueux Rob Williams et Chris Weston s’amusent à bousculer le vieux judge en le confrontant à d’improbables adversaires.
En parallèle de la monumentale intégrale des premières aventures du Judge Dedd (Affaires classées en sept tomes), Delirium propose un recueil regroupant cinq histoires publiées entre 2012 et 2019. John Wagner et Carlos Ezquerra imaginèrent, en 1977 pour la revue anglaise 2000 AD, un monde post apocalyptique à la violence endémique où les judges cumulent les fonctions de policiers, juges et jurés afin de rendre une justice plus rapide. Dredd est le meilleur d’entre eux.
Le dessin de Chris Weston est moderne, réaliste et étonnement précis. Dès la première pleine page, le ton est donné : en pleine rue, un lourd camion publicitaire vantant des transplantations cardiaques est pris d’assaut par une bande de joyeux voyous surarmés sur deux-roues et monocycle. Mais, déjà un aéro-wagon plonge. Le trait est précis, l’imagination fertile et débridée. Appréciez les designs de la grenade, du lance-roquettes et de la tronçonneuse. Tout l’album est de la même eau. Dredd a vieilli, son visage s’est fossilisé, n’exprimant plus qu’une humeur massacrante. De fait, on y meurt beaucoup, l’espérance de vie d’un judge dans les rues de Mega-city One ne dépasserait guère les vingt minutes. C’est possible, car partenaires et adversaires trépassent rapidement. La série s’interdit tous seconds rôles récurrents.
Le premier scénario de Rob Williams, le plus développé, oppose Dredd à l’impitoyable Judge Spin, inamovible chef de la Police des Polices locale, qui semble passablement psychotique. Les quatre histoires suivantes évoluent curieusement sur un registre comique. Non pas que Dredd ne se pique de sourire, mais ses adversaires sont cocasses. Il affronte successivement des singes terroristes, un Kaijū égocentrique, un canon spatial épris d’une perruche et le judge chef comptable. Ma préférence va au Klegg au cœur pur. Ce colossal saurien extra-terrestre appartient une espèce réputée pour ses mercenaires anthropophages. Ce Kregg est probablement le seul être authentiquement doux de Méga-city, hélas desservi par son physique. Son seul ami pourrait être Dredd, si ce dernier n’ignorait pas toute forme d’amitié. Trop triste.
Stéphane de Boysson