En ce vendredi 25 mars, l’un des groupes phares de la scène française de musique électronique, ZOMBIE ZOMBIE, qui a dépassé depuis longtemps son image initiale – fort sympathique – de musique pour films d’horreur, publie son nouvel album, Vae Vobis (soit « Malheur à Vous » en latin, quand même !) chez les malins de Born Bad Records. Et une release party est organisée ni plus ni moins qu’à la Maroquinerie, sold out pour l’occasion : une soirée immanquable…
20h : Ben Shemie, c’est le chanteur et guitariste de SUUNS, un groupe hors du commun qu’on a d’ailleurs pu apprécier au même endroit, il moins de 6 moins : en solo, ce brave garçon est encore plus « expérimental » qu’avec SUUNS, c’est dire ! Il a installé sa table et ses machines dans la fosse, avec ses amplis au bord de la scène : il va lui-même interpréter ses morceaux dans la fosse, entouré d’un public – assis sur les marches autour – déjà nombreux, concentré et attentif.
Le set débute de manière assez déconcertante avec une construction sonore faite de bruits électroniques sur lesquels Ben pousse des cris incohérents… qui nous font craindre le pire. On a bien tort, car, rapidement, quand Ben se met à chanter, tout cela prend une autre tournure, une vraie profondeur. Il a tout un tas de mimiques inhabituelles, entre épuisement, exaspération, consternation, surprise. Sa voix peut être distordue à l’extrême ou au contraire nue, exprimant les émotions les plus fortes. Le set culmine avec une chanson très dépouillée où un drone mélancolique mêlé à ce qui ressemble à des pleurs de chien (!) permet à Ben de nous offrir une très belle chanson… triste. En conclusion, un beau set, à la fois inconfortable et séduisant. A noter une bizarrerie : alors que tout le public est assis, laissant un bel espace à Ben pour qu’il s’exprime, un spectateur curieux est venu se planter à moins de 50 cm de lui, l’observant de manière assez gênante. On en a souri, mais ça ne devait pas être très agréable pour Ben…
21h05 : Cosmic Neman et Doc Shonberg installés à deux batteries qui se font face sur le devant de la scène, Jaumet au fond avec ses synthés – analogiques – et ses machines : c’est le trio de base de ZOMBIE ZOMBIE, auquel viennent s’ajouter trois choristes qui interviennent principalement sur les titres du nouvel album, Vae Vobis, dont les titres sont chantés en latin (« Pour ceux qui étaient des bons élèves à l’école » plaisantera Cosmic Neman). Notre très chère Maro est bourrée ce soir, et on remarque que beaucoup de gens dans le public sont des familiers du groupe, des amis proches, voire de la famille : c’est normal aussi, ZOMBIE ZOMBIE sont parisiens, et ça garantit toujours une excellente ambiance. Le set est en outre filmé par deux caméras, mais on ne peut pas dire qu’on ait été particulièrement gêné au premier rang. Le son est excellent, même si, pour ce genre de happening, un niveau sonore plus élevé aurait été appréciable…
Les deux premiers morceaux, plutôt martiaux, sont extraits du nouvel album : le chant en latin et la solennité des chansons apportent une certaine impression de rigueur, voire même de grandiloquence, heureusement tempérée par l’humour et la simplicité des musiciens (tiens, se dit-on en plaisantant, ça pourrait faire une parfaite première partie pour Ghost !). C’est avec Livity, dont l’introduction est saluée par des cris de joie dans la salle, qu’on retrouve le ZOMBIE ZOMBIE d’avant, plus festif, plus psyché aussi : les diapos projetées au fond de la scène nous rappellent les fameuses images de l’Exploding Plastic Inevitable Show de Warhol ou encore le Pink Floyd en 1967, et ZOMBIE ZOMBIE nous offrent le premier pic d’intensité de la soirée, très attendu, ce genre de moment délicieux où la foule entre en transe, proche du basculement dans l’hystérie (… même si ce basculement ne se produira pas complètement ce soir, malheureusement).
Tout le set est construit de cette manière, en forme d’aller-retour entre Vae Vobis et les albums antérieurs, et offre donc une variété bienvenue d’ambiances et de styles. On frôle par moments le krautrock (en plus organique, grâce aux percussions non électroniques), on plonge dans la French Touch, et on revient à la cinématographie parfois guerrière de Vae Vobis (on pense à la prophétie menaçante de War Is Coming, qui résonne presque désagréablement en ce moment…). Dans le fond, Jaumet se marre en permanence et organise les interventions des choristes. Face à face, Neman et Doc Schonberg se défient et se complètent, se poussant l’un l’autre à l’excellence. Sur Black Paradise, qui s’éternisera un peu trop sans parvenir à l’extase, le trio semble s’amuser à improviser. Le final du set principal est absolument magistral avec Nusquam et Ubique, sans conteste le plus beau et plus percutant morceau de la soirée.
Le rappel est un délice, avec deux reprises : d’abord un Rocket Number 9 de Sun Ra qui s’avère très très kraftwerkien, puis une splendide reprise hommage à Big John, Escape from NY. Et, comme on ne saurait se quitter sans avoir les trois brillantes et chaleureuses choristes sur scène, le set se boucle sur un Consortium un peu plus anecdotique.
1h40 passionnantes, auxquelles il n’aura manqué qu’une pincée de réelle hystérie, qui aurait pu faire basculer la soirée vers encore autre chose. La prochaine fois, certainement ? ZOMBIE ZOMBIE partent pour Rennes, et un spectacle illustré par Druillet qui promet de grandes choses…
Texte et photos : Eric Debarnot