Très belle surprise que ce Freaks Out ! Un film foisonnant qui déborde d’énergie et de poésie et qui parvient à mêler dans un magnifique maelstrom de sensations, l’humour, l’action, la violence, la poésie, le fantastique, le grotesque et l’émotion.
Je dois bien le reconnaître les films de super héros au cinéma me font désormais autant envie qu’une choucroute froide après avoir ingurgiter trois cassoulet tièdes, ce doit être ce que l’on appelle la lassitude ou bien l’écœurement. Pourtant ce Freaks Out de Gabriele Mainetti en dépit de son histoire super héroïque était l’un des films que j’attendais le plus en ce début d’année, peut-être tout simplement pour le Freaks du titre renvoyant directement à l’un de mes films culte. Après 140 minutes de bonheur et même le film n’est pas parfait, ce qui serait un comble pour un film qui parle autant de monstres et d’imperfections, Freaks Out est clairement le film de super-héros le plus réjouissant vu sur un écran de cinéma depuis très longtemps.
Le film nous plonge donc en plein cœur de la seconde guerre mondiale avec les artistes d’un cirque de monstres qui ambitionnent de quitter l’Italie pour rejoindre les USA suite à la destruction de leur chapiteau. Mais lorsque leur maestro d’origine juive est capturé par les allemands les quatre freaks doivent décider de leur avenir. Dans le même temps Franz, un pianiste allemand à six doigts capable de voir l’avenir, est persuadé qu’en formant un groupe de mutants il pourra sauver l’Allemagne de la défaite.
Freaks Out est un film foisonnant qui déborde d’énergie et de poésie et qui parvient à mêler dans un magnifique maelstrom de sensations l’humour, l’action, la violence, la poésie, le fantastique, le grotesque et l’émotion. L’exubérance latine évoquera bien sûr Guillermo Del Toro pour le merveilleux, Alex De La Iglesia pour la folie mais aussi quelques réjouissantes outrances propre au bis italien qui n’a jamais eu peur du sexe et de la nudité. Bien sûr la thématique de la monstruosité et de la différence est presque inhérente au genre du film de super héros et plus particulièrement des hommes mutants mais Gabriele Mainetti y apporte un contexte historique fort et symbolique avec celui de la seconde guerre mondiale et du nazisme avec ses idéaux de race pure et la déportation des indésirables comme les juifs et les handicapés. Le Freaks Out de Gabriele Mainetti n’a pas besoin d’appuyer son message faisant dans ce contexte précis s’opposer à l’horreur institutionnalisé par la destruction de l’autre une résistance d’exclus, d’éclopés, de tordus et de monstres de foire à l’image donc des quatre « héros » du film et de cette armée boiteuse de résistants composée d’estropiés mené par un bossu. Même si il en représente une version cinématographique et grotesque à l’image de cet impressionnant cirque de Berlin théâtre de spectacle de cabaret nazillon sous des paillettes en forme de croix gammées, le film ne se démarque pas pour autant du plus sordide du régime nazi en évoquant ouvertement déportation, chambres à gaz et four crématoires. La sordide rudesse d’un contexte historique fort côtoie ici à merveille le fantastique le plus fou , quand la réalité est à ce point horrible, laissons l’imagination aux pouvoirs.
Freaks Out s’appuie donc sur quatre anti héros aux pouvoirs finalement pas si spectaculaires que cela. On a un albinos crasseux qui contrôle les insectes, un homme poilu doté d’une grande force entre le loup garou, le bobtail et le cousin de Chewbacca, un homme magnétique de petite taille autant porté sur le nanisme que l’onanisme et puis Matilde (superbe Aurora Giovinazzo) une gamine électrique, seule personnage capable de survivre à un casting Diney / Marvel. La force de ce quatuor c’est que Gabriele Mainetti parvient à nous rendre les personnages attachants et touchants dans leurs liens d’improbable famille reconstituée. Quant au méchant du film il est une de ses figures tellement pathétique, inquiétante et grotesque qu’elle suscite autant la moquerie que l’inquiétude et l’empathie. Monstre parmi les monstres, rejeté par tous pour la monstruosité de son corps comme celle de son âme, Franz est la figure de celui capable de se surpasser en ignominie pour intégrer le cercle qui l’aura d’emblée exclus. Le personnage est incarné par Franz Rogowski dans un savoureux mélange de cabotinage et d’intensité dramatique. Pianiste virtuose avec ses mains à six doigts, accroc aux vapeurs d’éther dans lesquelles il peut voir l’avenir, nazillon à la botte d’un pouvoir qu’il rêve de satisfaire, monstre de foire et pantin dans la monstrueuse parade de l’histoire, le personnage de Franz qui semble à priori être le plus caricatural est peut-être le plus riche et le plus complexe du film. C’est également autour de Franz que l’on trouve l’une des plus éblouissante scène du film lors d’un trip sous éther qui plonge le personnage dans un cauchemar ou se bousculent les images du futur.
Freaks Out n’est bien sûr pas un film parfait en bonne œuvre hybride et monstrueuse qu’elle est. Le film n’évite pas par exemple quelques gros traits d’écritures et d’artifices pour faire avancer son récit ou ménager des séquences sous tension. On pourra également regretter une trop longue bataille finale parfois un peu bordélique et manquant de lisibilité même si elle aboutit à une séquence d’une folle émotion galvanisante qui nous terrasse par son emphase, sa beauté et sa puissance. Car les réticences et ces petites instants de flottement ne durent jamais bien longtemps et Gabriele Mainetti nous replonge très vite dans la folle aventure de ses freaks multipliant les moments drôles, galvanisants, émouvants et magiques.
Freaks Out est donc un véritable coup de cœur qui apporte un vrai vent de fraîcheur salutaire aux films de super-héros qui squattent nos écrans depuis plus de dix ans dans des formules aussi formatées qu’interchangeables. Il y-a du fond et du cœur dans Freaks Out, il y-a de la noirceur et de la lumière, il y-a tout simplement une foisonnante et généreuse envie de cinéma. Freaks Out se place d’emblée comme l’un des meilleur film de cette année.
Freddy K