Très attendus quatre mois après leur passage remarqué au Festival Arte, les Londoniens de shame nous offert hier soir un set uniforme, sans grand éclat, et décevant par rapport à leur statut de dauphins du post-punk britannique.
Le poisson d’avril de 2022, c’est le retour de l’hiver, avec neige et grêle, alors que le week-end précédent, nous prenions agréablement le soleil sur les pelouses des parcs parisiens. Le poisson d’avril du Bataclan c’est d’annoncer une ouverture des portes à 19h, pour nous faire patienter 30 minutes de plus dehors alors qu’il fait proche de zéro : transis et grelottants, ce n’est pas la meilleure manière d’aborder ce concert attendu des Londoniens de shame, après leur bonne prestation au festival Arte
20h : PVA sont, nous dit-on, à la mode à Londres en ce moment, et on sait depuis longtemps que ce genre d’affirmation peut être de bon ou de très mauvais augure. Il ne faudra malheureusement que quelques minutes pour savoir que l’on est cette fois du mauvais côté de la hype anglaise. Ils sont 3 sur scène : au milieu un batteur dont le rôle semble être surtout de broder, pardon de surenchérir de manière désordonnée sur les beats électroniques, entouré de Josh Baxter et de Ella Harris claviers / machines et chant. Après, ce genre de machin, ni excitant, ni original, parle peut-être à des gens branchés, mais il nous a semblé que c’était surtout informe, plat et sans imagination. Le chant (?) de Ella, en particulier, est inexistant, la communication avec le public réduite au minimum : ces jeunes Londoniens jamais encore sortis de leur pays pensent visiblement que marmonner en anglais de manière incompréhensible dans un micro est suffisant, et on hésite entre arrogance et timidité pour qualifier ce genre d’attitude. On est prêt à jeter le bébé avec l’eau du bain après 25 minutes de vacuité totale quand arrive, surprise, un dernier morceau où quelque chose de plus musical et de plus excitant se dessine. Mais c’est déjà bien trop tard pour rattraper le coup.
21h : le set de shame nous avait bien plu lors de leur précédent passage à Paris, en novembre dernier au festival Arte à la Gaité Lyrique : on avait envie de les retrouver dans le cadre beaucoup plus rock’n’roll – et avec l’acoustique bien supérieure ! – du Bataclan. Le quintet est rentré sur scène remontés comme des coucous, avec une (habituelle) mention spéciale à Josh Finerty, qui reste l’un des bassistes les plus spectaculaires à arpenter (à avoir arpenté) une scène : constamment à fond, il saute, court, virevolte, tombe, se relève sans jamais cesser de jouer. Placés devant lui au premier rang, nous sommes persuadés de ne pas nous ennuyer…
Après une entrée en scène sur un nouveau morceau, le concert démarre véritablement avec le même tiercé gagnant qu’à la Gaîté Lyrique : Alphabet, 6/1 et Concrete. On s’amusera de voir un fan brandissant un panneau « Je peux jouer de la basse sur Alphabet » hissé sur scène par le groupe pour le faire, et se défilant piteusement : on se demande parfois ce que les gens ont dans la tête…
Mais la setlist de ce soir fait la part belle aux nouvelles chansons du futur album, ce qui est une bonne chose, mais va rapidement plomber notre enthousiasme : il est évidemment moins entraînant pour le public de découvrir de nouveaux titres que d’écouter ses chansons préférées de Songs of Praise et de Drunk Tank Pink, mais on comprend bien – et on apprécie – que le groupe ait envie de passer à autre chose… Mais autre chose ? Ce n’est pas si sûr, car les morceaux restent apparemment dans la droite ligne de ceux de ce que le groupe a fait jusqu’à présent. Et comme Charlie Steen semble ce soir plus calme – même s’il ira à deux reprises dans la foule -, l’énergie du concert retombe peu à peu. Heureusement, le public du Bataclan, très heureux d’être là, fait la fête, et l’ambiance restera excellente tout au long des une heure et demie du set.
La toute dernière partie du concert reprendra de la force avec l’excellent One Rizla et le furieux Station Wagon (et oui, ils ont joué Snow Day, c’était de circonstance !), mais le mal est fait : parce qu’on s’est vaguement ennuyés, parce qu’on a eu l’impression d’écouter une musique qui tournait un peu à vide et commençait à se répéter, shame ont confirmé ce soir que le revival post-punk qui sévit depuis quelques années touche à sa fin. Qu’il est temps de (vraiment) passer à autre chose. C’est le défi que shame doivent désormais relever, ce que, par exemple, leurs concurrents de Fontaines D.C. semblent bien mieux faire : mais ça, on en aura la confirmation, ou pas, le 11 avril prochain à l’Olympia.
Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot
[Live Report] Shame & Nova Twins à la Gaîté Lyrique (Festival Arte)