Un nouvel album d’une électro-pop poétique et subtile signé Ultra Romances. Avaler la mer est un album plein d’électronique qui nous parle d’amour et de sentiments. Un moment doux et beau, et triste !
Ambitieuse, Agathe Genieys avec son projet Ultra Romances. Ambitieuse et gourmande. Après Été vertigo, chroniqué ici déjà, et Un matin, voici un 3ème album. Même pas 2 ans et… 25 morceaux ou presque. Sacré rythme ! Mais pas d’inquiétude. Même si le soleil lui a tapé sur la tête, comme elle le craint sur Avaler la mer, le premier morceau qui donne son titre à ce EP, cet album ne décevra personne. Pour les amateurs d’Ultra Romances, on est en territoire, ou plutôt dans des eaux connues. Pour celles et ceux qui arrivent : bienvenue dans le monde enchanté de l’électro-pop. Cette électro-pop à laquelle elle nous a habitué avec Été vertigo et Un matin, qui prend ses racines dans une certaine musique du début des eighties. Les références (Visage, évidemment) sont toujours là, si profondes qu’on n’est pas prêt de les lui arracher. Une électro-pop belle et douce, terriblement addictive, remarquablement subtile. Une électro-pop romantique.
On retrouve donc sur Avaler la mer la même complexité et la même richesse musicale qu’on avait tant aimé sur Été vertigo et Un matin. La musique d’Avaler la mer est (toujours) pleine de ces sons électroniques, ces beats enchevêtrés, mélangés, combinés, répétés qui dessine un paysage sonore captivant. Une belle continuité. Mais, malgré tout, Avaler la mer n’est pas juste une autre mouture d’Été vertigo ! Agathe Genieys a changé quelque chose… les beats sont plus légers, les arrangements et structures des morceaux plus complexes, il y a des changements de rythmes fréquents, et des choeurs, les gimmicks sont plus sculptés. Elle tricote de la dentelle avec ses claviers et ses machines, délicatement comme sur Toi ou sur Sentiments brûlés, qui sonnent comme des comptines (pour grandes personnes?), malgré la basse ronde qui, discrètement, donne un tour un peu funky triste au morceau.
Pour juger du changement, on peut comparer la version de Contre l’amour que l’on trouve sur l’album à la version qu’on trouvait sur Été vertigo. Les différences sont subtiles mais bien présentes. Le morceau est plus fin. La voix est moins en avant, plus murmurante pour nous faire des confidences, pour nous parler d’amour. Cette voix… Agathe qui continue de nous parler, raconter, presque susurrer ces histoires d’amour entre plage et mer, entre parc et ville. Ces histoires d’amour tristes, déchirées et déchirantes – “je crois que je pourrai avaler la mer, de peur de te perdre” (Avaler la mer), “ta beauté me désespère” (Discoplane) ou “j’enlise mes sentiments brûlés, là ne règne que ton absence, tout y sec et poussière, c’est le désert absolu” (Sentiments brûlés). L’absence, justement, qui règne ici. Partout. Mais pas le vide, tant il y a des souvenirs à contempler et de sentiments (perdus, brûlés) à chérir. À chaque morceau sa peine (et quelques joies). À chaque morceau son histoire. Chaque morceau comme une histoire.
Agathe Genieys est une poétesse. Elle met sa poésie en musique. Elle fait de sa musique un moment de poésie. Une poésie et une musique de l’intime, de l’espace infini et insondable qu’il y a entre soi et l’autre, entre soi et soi. Une musique personnelle, proche de nous justement parce qu’elle est personnelle. Une musique à écouter pour soi, au casque, sur la plage en regardant la mer vide et l’horizon infini.
Alain Marciano