Wet Leg : le groupe que tout le monde adore avant même de l’avoir écouté. Vous auriez aimé détester (pour ne pas faire comme tout le monde). Mais vous allez aimer (malgré tout). Une pop sucrée et gonflée, salée et effrontée, pleine de bulles et de guitares qui pique les oreilles.
Le groupe que tout le monde adore avant même de l’avoir écouté. Vous auriez aimé détester (pour ne pas faire comme tout le monde). Mais vous allez aimer (malgré tout). Une pop sucrée et gonflée, salée et effrontée, pleine de bulles et de guitares qui pique les oreilles.
Y avait-il une raison pour que ce Wet Leg n’attire pas notre attention au milieu de la dizaines de nouveaux albums qui sortent cette semaine? A part d’habiter sur une île déserte, de ne plus avoir accès au moindre média ou d’être devenu complètement agoraphobe, probablement pas. Avant même que l’album ne sorte, le succès est stupéfiant. On ne compte plus les interviews, recensions, mentions plus ou moins longues, couvertures de magazines – des plus hype aux plus ringards, des plus rocks aux plus softs -, que le groupe de Rhian Teasdale et Hester Chambers (dont, semble-t-il on cite toujours les noms dans cet ordre) a réussi à obtenir. Les concerts sont complets. Le groupe passe à la télé (même sur Arte!, et dont du bien a été déjà dit ici). Numéro 2 du sound 2022 (déjà) de la BBC. Des millions de vues sur Youtube. Des dizaines de millions de streaming. L’adoubement des stars du rock (Dave Grohl, Lorde, Jack White, Iggy Pop). N’en jetez plus!
Et cela dure depuis que le premier single, Chaise Longue est sorti. Un morceau, un seul. Il a suffi que deux jeunes femmes s’allongent sur une chaise et y passent leur journée – c’est le refrain du morceau, « On the chaise longue, all day long, on the chaise longue » – pour que la lumière se fasse. Comme si rien de génial n’avait été publié depuis des lustres, comme si monde du rock et de la pop avait été plongé dans l’obscurité ! Qui n’a pas trouvé que Chaise Longue est l’un des meilleurs morceaux pop depuis on-ne-sait-même-pas-quand ? Chaque nouveau morceau – savamment distillé, au compte goutte – a semblé un éclair encore plus lumineux que le précédent. Et l’album ne risque pas de calmer la frénésie ambiante autour du groupe. Difficile, non, impossible d’avoir aimé les premiers singles et de ne pas aimer le reste de l’album. Tout est du même acabit.
« I was in your wet dream, driving in my car
Saw you at the side of the road, there’s no one else around
You’re touching yoursеlf, touching yourself, touching your—
Touching yourself, touching yourself »(Wet Leg, Wet Dream)
Une power pop qui n’a peur de rien. Des morceaux (incroyablement?) inventifs. Des riffs de guitares immédiatement accrocheurs et qui trottent dans la tête. Des changements de rythmes aussi improbables qu’irrésistibles dans chaque morceau. Des choeurs. Une voix à la fois boudeuse qui nargue l’auditeur en répétant des textes à faire rougir les parents qui écoutent derrière la porte (Wet Dream, par exemple) et des refrains aussi simples qu’efficaces.
Et on leur pardonne, parce que ça marche. Being in Love, justement, avec ce refrain à la limite, est un morceau génial qui dépote et met d’excellente humeur avant d’attaquer le maintenant classique Chaise Longue, avec sa ligne de basse entêtante, son refrain idiot qu’on adore et son gimmick à la guitare. Une recette qui est utilisée de nouveau presque à l’identique sur Oh No. Wet Dream, un morceau carrément sensuel, et pas seulement à cause des paroles. Angelica, alternance de voix éthérées, d’arpèges légers et de guitares déchaînées. I Don’t Wanna Go Out, ou Convincing, de vrais morceaux pop qui auraient pu avoir été composés il y a 30 ans. Les (quasi) balades comme Loving You, Piece of Shit – fallait-il oser une balade avec un titre pareil -, Supermarket ou Too Late Now, sont presque pleines de mélancolie. Il y a à peu près tout sur cet album…
Wet Leg fait probablement ce que pas grand monde avait fait ces dernières années : mélanger le rock, la pop, l’effronterie et le sérieux. On a connu des groupes qui étaient capables de faire de la musique solide, sans se prendre au sérieux. Et aussi des groupes qui se prenaient au sérieux. Des groupes qui savaient jouer de la guitare et écrire des mélodies. Qui faisaient de la pop, en lorgnant du côté du rock. Qui étaient mainstream et indé. Qui savaient composer des hymnes à chanter dans des stades et des morceaux à écouter allongé dans l’herbe en regardant le soleil se coucher. Wet Leg fait tout ça à la fois. Rhian Teasdale et Hester Chambers. Ou Hester Chambers et Rhian Teasdale. Elles sont deux. Elles sont Anglaises. Elles ont l’avenir devant elles ! Et on se languit déjà de voir ce que sera leur prochain album.
Alain Marciano