Plus d’une décennie après l’arrêt de la campagne de réédition à Brighten The Corners, le dernier album de Pavement bénéficie à son tour du traitement “deluxe”. Des bonus à l’intérêt limité, réservés aux aficionados, mais un album sur lequel plane une ambiance fin de règne touchante, qui mérite une réévaluation.
Fin 1999, Pavement clôt son parcours en même temps que la décennie qui a vu la scène alternative tutoyer les charts anglo-saxons. Groupe culte par excellence, il n’aura pas fallu longtemps pour que Matador, leur maison de disques, lance une campagne de réédition avec pléthore de bonus. Les albums se succèdent, attirant par la même occasion une nouvelle génération de fans. Inédits, B-Sides, versions alternatives, ou encore titres live qui permettent de suivre l’évolution rapide de la bande à Malkmus se succèdent.
S’il y a bien un enseignement à tirer de ces éditions augmentées, c’est que le groupe de slackers ne méritait pas (tout à fait) sa réputation. Au-delà des tournées extensives qui contrecarraient déjà cette image, les rééditions de Slanted and Enchanted, Crooked Rain Crooked Rain ou encore Wowee Zowee montrent que les musiciens sélectionnaient leurs tracklists avec soin, laissant de côté tout ce qui n’était pas suffisamment bon. Et à l’écoute de ces à-côtés, on comprend encore mieux pourquoi Pavement est souvent considéré comme l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur groupe des 90’s.
Des bonus qui laissent à désirer
Seulement voilà, Terror Twilight, dernier volume du canon pavementesque, n’a jamais eu droit à son édition spéciale. Quand la réédition de Brighten The Corners sort en 2008, elle s’accompagne de titres issus des sessions ultérieures, mauvais présage. Suivent 14 ans de silence.
Alors que le groupe s’apprête à entamer une nouvelle tournée anniversaire, décalée à cause de la pandémie, Matador saisit l’occasion pour lancer le cinquième et dernier volet de cette série.
Comme on pouvait s’en douter, le meilleur a déjà été édité. De fait, cette édition est principalement dédiée aux aficionados. Les B-Sides se démarquent, mais la crème est déjà disponible sur la réédition de Brighten The Corners, signe que cette vendange tardive rassemble les miettes, ce qui a été confirmé par les membres du groupe.
Contrairement aux précédentes versions “deluxe”, Terror Twilight : Farewell Horizontal se concentre surtout sur les démos des titres bien connus de l’album original. Celles-ci tournent principalement autour de Stephen Malkmus posant les grandes lignes des chansons sur un synthétiseur, curiosité destinée aux fans hardcore, mais à l’intérêt vite limité. Be The Hook, un inédit sorti des tiroirs, paraît bien seul dans cette liste de 34 bonus. Autre nouveauté, la décision de proposer le séquençage de Nigel Godrich pour l’album original, qui pousse les titres plus méandreux à l’avant. Un choix perturbant mais original, qui fera probablement débat.
Un magnifique chant du cygne
Si Terror Twilight : Farewell Horizontal est décevant, il convient toutefois de remettre les choses à leur juste place au sujet de Terror Twilight. Souvent mal aimé, lesté du poids de “l’album de la séparation”, il contient pourtant parmi les plus belles réussites du groupe.
Chaque album de Pavement possède sa propre identité, particulièrement marquée, du lo-fi de garage au foutoir généralisé, en passant par un rock alternatif fin et tranchant. Terror Twilight a divisé parce qu’il propose tout simplement une suite de chansons à la démarche volontairement plus commerciale, au son plus policé et aux structures globalement moins dérangées que par le passé. Nigel Godrich, auréolé de ses succès avec Radiohead et Beck, est convoqué pour prendre les manettes et piloter le groupe farouchement indépendant dans le but affiché de toucher un public plus large. Hérésie totale pour les fans de la première heure.
C’est pourtant mal connaître Pavement, qui ne cède en rien aux sirènes du succès (qui n’est jamais vraiment venu, d’ailleurs). Stephen Malkmus, qui voit déjà la fin du parcours, laisse libre cours à ses penchants les plus pop, qu’il a toujours eus en lui. En résulte des chansons aussi magnifiques que Spit on a Stranger, Major Leagues, ou encore Ann Don’t You Cry. Les parcours tortueux typiques de son écriture sont toujours là, à l’image du fantastique Platform Blues, qui comporte plusieurs chansons en une, dans une fluidité qui ferait pâlir d’envie nombre d’autres groupes.
Seulement voilà, le leader est de plus en plus frustré que les autres ne suivent pas, musicalement tout comme dans la vie. Chaque membre de Pavement vit dans un coin différent des États-Unis, ce qui rend impossible le travail collectif. C’est donc après cet album, plus technique que les autres, que Malkmus décide de mettre un terme à ce qui est et restera l’un des groupes les plus légendaires de la musique populaire. Un arrêt en pleine gloire, n’en déplaise à ses détracteurs.
Maxime Meyer