Un nouvel grand album pour un groupe qui n’aura fait que de grands albums. Avec Everything was beautiful, Spiritualized nous donne ce qu’on aime dans ce groupe, les mélodies superbes, des chansons symphoniques, du bruit, du rock, de l’émotion.
Découvrant la pochette de cet album – une boite de médicament soigneusement dépliée – , le fan comme le non-fan de Jason Pierce, aussi connu comme Jason Spaceman, le frontman de Spiritualized, ne pourra manquer de penser à la référence fréquente aux drogues dans les morceaux du groupe, à cette présence de la maladie dans la vie de Pierce – un cancer du foi – et, évidemment, à la pochette de Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space (1997). Se souvenant alors que Ladies and Gentlemen est probablement l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur album du groupe, l’un des plus complets, c’est avec un sentiment d’émotion mêlé d’appréhension que le fan (et le non-fan) posera l’album sur la platine. Et tous les deux penseront à ce moment probablement la même chose : “Encore !”, même si certainement pas pour la même raison !
Encore, oui, parce qu’Everything was beautiful est définitivement un album de Spiritualized. Ce n’est peut-être pas le meilleur du groupe, peut-être pas le plus cohérent, mais il vous attrape à la première écoute et ne vous lâche pas, même après que vous l’ayez écouté et réécouté. Difficile donc de ne pas être captivé et emporté par ce qu’on entend. Car tout est bon dans ce 9e opus studio du groupe. Les mélodies, superbes et parfaitement portées la voix, peut-être un peu plus lasse et traînante que d’habitude de Jason Pierce. Les chansons sont assez structurées mais posées sur des fonds sonores déjantés. La musique, d’une complexité incroyable, va du classique guitare, basse, batterie, piano au moins classique glockenspiel ou cloches, ukulélé, mêle tout un tas d’instruments synthétiques. Il y a des changements de rythme dans chaque morceau et d’un morceau à l’autre. Les longs titres ceux qui n’en finissent plus et s’étirent sont sauvés de l’ennui par l’éclair d’un solo, d’un son rajoutés juste quand il faut. Des moments de grâce. Du bruit et du volume, de l’ampleur. Oui, tout est bon.
Reprenons. Everything was beautiful s’ouvre, comme Ladies And Gentlemen, avec un morceau plutôt lent et doux : Always Together With You, plus de six minutes d’amour – “If you want a silver moon, I would be a silver moon for you. If you want a unicorn, I would be a unicorn for you. If you want a satellite, I would be a satellite for you. If you want a universe, I would be a universe for you”. Quelle classe ! La classe aussi dans la musique. Quelques blips, une guitare discrète, quelques chœurs, une grande douceur dans l’introduction. La voix de Jason Pierce. On a envie que cela dure des heures. Pourtant quand la musique s’emballe, il n’y a pas de déception. Un feu d’artifice. Un grand moment.
Ensuite, il y a Best Thing You Never Had (The D Song), un rock-bluesy-jazzy emballé, touffu et dense, couvert de cuivres et de cœurs et des paroles mi-figue mi raisin – “Honey, you’re laid in doubt, you’re never getting anything done. Oh you’re wasting time, you best let the water run… Honey, you lived that life, you’re never getting out for free.” – qui rappelle que Jason Spaceman a toujours aimé rock, blues, jazz. Des cuivres encore sur Let It Bleed, un morceau chanté avec les tripes, sombre (comme du sang qui a séché), qui hésite entre intimisme et envolées lyriques typiques de Spiritualized. Un morceau qui hésite entre l’apaisement et le laisser-aller désespéré – “I laboured over this life too long. There’s nothing to behold… Darling I was wrong… Open up and bleed… Lay it down and let it bleed.”
© Sarah Piantadosi
L’apaisement vient avec Crazy, un slow country, une demi chanson d’amour – ”I didn’t think it could happen again. But love just fell out of the blue. And it keeps on knocking, we can’t let it in. I’m falling in love like a fool” – dans laquelle Jason Pierce avoue ses fautes et demande pardon – “Darling I’m sorry I must make amends. For messing around with you.” LE morceau vraiment et totalement intimiste de l’album.
Après ce moment de vrai calme, s’ouvre la face B et c’est presque un autre voyage qui commence. D’abord 2 morceaux quasiment symphoniques, Mainline et The A Song (Laid In Your Arms). Deux chansons d’amour (encore), au rythme effréné. Mainline est quasiment un instrumental – plus de la moitié du morceau s’est passée avant que Jason Pierce ne commence à chanter, une mélodie géniale, gaie – “Oh babe, it’s a beautiful night” -, entraînante pour une demande pressante qui se répète tout au long du morceau – “I wanted to know if you wanted to go tell the city tonight.” Puis The A Song (Laid In Your Arms), au rythme martial, martelé, encore une fois touffu, plein de bruits et de fureur, des couches d’instruments où dominent les cuivres et qui se termine dans une explosion bruitiste. Ouf. Un autre coup sur la tête, avant le dernier : I’m coming home again, qui fait écho au premier par sa douceur amère. Un morceau désabusé – “Happiness is not a guarantee” -, un retour à la maison sans espoir et bourré de médocs pour faire face – “Gonna dull it with lorazepam”. Un morceau gavé d’une émotion énorme, que transmet transmet la voix rauque de Jason Spaceman sur une mélodie qui vous prend aux tripes. Une musique parfaitement dosée, calme et lente au début, avant de s’envoler et de s’emballer, lyrique et forte, pour finir avec une violon et quelques cloches qui sonnent une sorte de glas… welcome back !
Alain Marciano