Très, très belle soirée musicale ce samedi à Petit Bain, avec les Français « surf-music » de The Wave Chargers qui nous offert une leçon de classe, et le retour inspiré de King Khan & The Shrines, les rois de la fête !
On avait hâte de retrouver King Khan, accompagné de ses formidables The Shrines, après la parenthèse – si l’on peut dire…- punk-rock de Louder Than Death : le dernier album du combo garage-rock / soul date quand même de 2013, soit une éternité à notre époque d’accélération digitale, et des informations inquiétantes sur sa santé ont circulé l’année dernière. D’ailleurs ce concert au Petit Bain était sold out, ce qui fait évidemment bien plaisir.
19h40 : La soirée commence tôt, ce qui est bienvenu, mais ne fait pas l’affaire des pourtant excellents The Wave Chargers, qui devront jouer leur surf-music devant une salle pas encore assez remplie. La surf-music, en grande partie instrumentale, n’est pas forcément la tasse de thé de tout le monde – même si les films de Tarantino ont contribué à relancer la… vague -, mais avec The Wave Chargers, force est de constater que tous les clichés du genre sont transcendés par l’excellence des compositions et de l’interprétation. Il ne faudra qu’une paire de titres pour que le néophyte soit définitivement convaincu : loin de l’uniformité que l’on reproche parfois au genre, chaque morceau – dont le titre fait d’ailleurs souvent référence à un lieu géographique ou à une culture – crée en quelques courtes minutes une ambiance cinématographique qui aide l’imagination à voyager, qui ouvre grand d’autres horizons que ceux du bord de mer californien.
Scéniquement, le quatuor a une présence remarquable, et est un régal d’efficacité musicale et d’énergie : avec leur joli « uniforme » stylé composé de polos noirs, et leurs attitude « rock’n’roll », ils rajoutent clairement une touche de classe à une musique qui est décidément éternelle. On regrettera (légèrement) à la limite les deux titres plus rockabilly chantés par Samy, qui détournent un peu l’attention, et la présence sur certaines chansons, d’une gogo dancer – douée et sympathique –, qui nous a semblé un peu hors sujet. Une magnifique première partie de 40 minutes, et, à voir la béatitude inscrite sur le visage du public autour de nous, on se dit que ça ne va pas être évident pour King Khan & the Shrines de maintenir le même niveau de qualité et d’excitation.
20h50 : Après une intro instrumentale et une harangue théâtrale du guitariste pour nous annoncer le génial King Khan, Arish Ahmad Khan déboule sur scène dans une tenue presque sage pour lui (chemise pailletée et haute couronne de plumes…) pour nous offrir une heure vingt-cinq de musique et de spectacle totalement réjouissants. The Shrines, ce sont un trio guitare-basse-batterie qui sonne très rock, trois musiciens aux cuivres au rôle central dans la musique, puisqu’ils lui ajoutent « l’âme soul » essentielle à sa magie, et un claviériste déchaîné qui fait le show à lui seul : le plongeon dans la foule avec son orgue porté à bout de bras au-dessus de lui, on n’avait jamais vu encore, ni d’ailleurs la reptation finale façon limace sous psychotropes en poussant son clavier devant lui !
Finalement, par rapport à l’énergie et aux trésors de fantaisie déployés par ses musiciens, King Khan paraît presque sobre ce soir, et il se retient même longtemps de faire trop de ses habituelles plaisanteries provocatrices. On aura juste droit à un « sur cette chanson, ceux qui ne savent pas claquer des doigts peuvent juste ouvrir et fermer leur anus ! »… King Khan se concentre sur son chant, ce qui nous rappelle que, à l’exception d’une nouvelle chanson sur laquelle il semble à la peine en cherchant un nouveau registre vocal, il est un formidable soul man. Il s’énerve même quand quelques imbéciles, au milieu du public pourtant chaleureux et fraternel de Petit Bain, balancent des gobelets en plastique sur scène : finalement, au-delà de l’ambiance festive et de l’humour, King Khan & The Shrines sont là pour nous offrir de la bonne, de la vraie musique, et pas seulement un délire garage !
Un petit interlude jazzy pour permettre à King Khan de changer de tenue, et on aborde la seconde partie du concert dans une tonalité différente, beaucoup plus hystérique : comme quoi le fait de glisser son corps voluptueux dans un fourreau noir et sexy (!?) vous change un homme ! On appréciera tous le trou brodé à l’arrière de la combinaison, en forme de symbole de l’infini, permettant de voir les fesses velues de l’artiste. Essayez-le chez vous avec vos amis, succès garanti ! Le concert monte d’un cran, avec plusieurs moments de folie générale, attisée par les musiciens qui viennent en permanence au contact avec le public : sur le formidable I Wanna Be A Girl – pour nous, le meilleur moment de la soirée – on a eu droit à des jeux de cape envoûtants et séducteurs !
King Khan atteint finalement les hauteurs de sa légende avec la chanson Gospel of Being Reborn, sur laquelle il raconte de manière détaillée la manière dont il a cherché la renaissance en entrant tout entier dans le vagin de sa femme (« Heureusement, je n’avais pas de chaussures, nous, Indiens, on enlève toujours nos chaussures pour les moments sacrés ! »), et les problèmes psychanalytiques que cette cérémonie a ensuite posés dans son couple. Mémorable !
Joli rappel de quatre titres (King Khan est maintenant en slip et cape transparente) qui permettra de clore le set sur un très beau morceau soul, superbement chanté.
Une fois encore, Petit Bain a confirmé ce soir qu’il était l’endroit où se perpétuent les légendes, mais où se nouent également les liens d’amitié au sein d’un public amoureux de musique et de fête. Avec des The Wave Chargers mémorables, et un King Khan en pleine maîtrise de son sujet, Petit Bain était l’endroit où il fallait être ce samedi. Cerise sur le gâteau, en ces temps difficiles, King Khan a eu le bon goût (oui, lui !) de reprendre la fameuse phrase des Bérus « la jeunesse emmerde le Front National ! » au milieu de l’une de ses chansons. Tout bien, quoi !
Photos et texte : Eric Debarnot