N’espérez pas James Bond, Jason Bourne ou même Jack Ryan en regardant le Couteau par la Lame, le dernier film d’espionnage de chez Amazon : par contre, les fans de John le Carré pourrons y trouver leur compte, avec une belle histoire d’amour en bonus…
Les fans de feu John Le Carré, dont nous sommes, se désespèrent souvent de la pauvreté endémique des films d’espionnage, US en particulier, incapables de prendre le temps de nous conter des histoires réellement complexes comme de nous offrir une réflexion politique ou psychologique sur les dangers liés aux jeux de mensonges auxquels se livrent les professionnels (… et non, nous n’incluons pas ici des plaisanteries infantiles comme James Bond...).
Ils ne doivent donc pas manquer ce Couteau par la lame, qui, même s’il n’est pas un grand film, nous offre à la manière du maître disparu une intrigue retorse basée sur un long face-à-face dans un restaurant vide de Carmel entre deux anciens amants dont la vie a été dévastée par une mission ratée lors d’une prise d’otages sanglante à bord d’un avion autrichien.
Bien écrit – ne jouant pas sur des ressorts de suspense ou de surprise trop faciles (même s’il y a quand même un mécanisme de twist, ou disons plutôt de « révélation » assez bien utilisé) -, bien interprété (ce qui ne nous surprend pas la part de Thandiwe Newton, mais un peu plus de la Chris Pine), bien réalisé par le jeune metteur en scène danois Janus Metz (récompensé en 2010 par le Grand Prix de la Critique à Cannes pour Armadillo, avec une jolie maîtrise de la tension en général, le Couteau par la Lame est parfaitement fidèle à l’esprit de Le Carré (bien qu’il soit l’adaptation d’un autre auteur, Olen Steinhauer) : il s’agit ici aussi de montrer la déshumanisation inhérente aux jeux de manipulation permanents auxquels se livrent les « espions », ainsi que la facilité avec laquelle leurs gouvernements les sacrifient au nom de l’intérêt du pays.
Là où le film se détache de son inspiration, c’est dans sa très touchante dernière partie, qui dépeint avec force un amour à la fois inconditionnel et pourtant réduit à peu de choses par le poids de la trahison et des mensonges… Mais un amour qui refuse de mourir tout-à-fait, qui résiste. Et, de manière inattendue, c’est une belle émotion qui naît de la conclusion du film, qui peut être vue comme un message optimiste : quand tout est perdu, quand tout est détruit, il nous restera peut-être notre Amour pour l’autre, dont nous aurons réussi à préserver la flamme au milieu des décombres de nos vies gâchées.
Ce n’est finalement pas si mal pour un film d’espionnage qui nous est vendu comme un pur divertissement…
Eric Debarnot