Un an déjà depuis les expérimentations de Butterfly 3000, et le Roi Gésier revient avec un énorme cadeau pour ses fans, Omnium Gatherum, où il revisite généreusement une bonne partie de ses styles musicaux habituels. Jouissif !
A-t-on le droit de s’alarmer de la baisse radicale du rythme de production de notre groupe psyché-australien préféré, qui semble être revenu désormais, comme le commun des mortels (ce que King Gizzard & The Lizard Wizard ne sont pas, entendons-nous bien !) à un nouveau disque par an ? Il est trop tôt pour le dire, d’autant que ce nouvel opus – format double album, quand même… – a tout d’un bilan à date : en ne poursuivant pas la veine expérimentalo-électro-pop du précédent opus, mais en nous offrant une sorte de panorama quasi complet de ce que le groupe a pu produire jusqu’ici, la bande à Stu Mackenzie nous maintient dans une sorte d’état d’attente… qui n’est pas désagréable ma foi, vu la qualité de leur production.
Si Omnium Gatherum nous offre quand même une piste d’évolution, c’est – de manière peut-être surprenante, mais pas tant que ça, finalement – à travers deux morceaux franchement hip hop (Sadie Sorceress et The Grim Reaper) qui sonnent très Beastie Boys et s’avèrent parfaitement réjouissants avec leur créativité déjantée et leurs paroles non-sensique hilarantes jouant sur les allitérations et les assonances : « Let me tell you ’bout this 80’s lady named Sadie / She’s wild like a witch / She’s more fly than quidditch / Smoking winnies and drinking tinnies and glenfiddich » (Laissez-moi vous parler de cette dame des années 80 nommée Sadie / Elle est sauvage comme une sorcière / Elle est plus « vol » que quidditch / Elle fumer des winnies et boit des tinnies et du Glenfiddich) ou encore « I’m the grim reaper / Chimney sweeper / Gate keeper / Running faster than a cheetah preying on the weaker » (Je suis le faucheur / le ramoneur / le gardien dela porte / courant plus vite qu’un guépard s’attaquant aux plus faibles). Si le prochain album reste sur ce registre, on est définitivement partants.
Pour le reste, le disque offre une satisfaction plus ou moins garantie à tous leurs types de fans, en balayant une large partie de leurs styles musicaux, au risque de faire sonner Omnium Gatherum plus comme un best of que comme un véritable album. Mais est-ce que ça importe réellement, quand on commence par les presque vingt minutes excellentissimes de The Dripping Tap, immense délire psychédélissime et prog rock comme seul le King Gizzard sait en produire sur la planète ? Tiens, on aurait même pu se passer de l’heure qui suit, tant c’est bon de vivre ce genre de cavalcade sonore enthousiaste, créative, délirante, avec ses dérapages hystériques et ses riffs accrocheurs. On a vraiment hâte de l’écouter en live, celle-là, et de chanter son suave refrain tous en chœur : « Left the tap on, swamping out of the sink / Left the tap on, agua flowin’ in / Left the tap on, blankets over my skin » (J’ai laissé le robinet ouvert, ça dégouline de l’évier / J’ai laissé le robinet ouvert, l’eau coule à flots / J’ai laissé le robinet ouvert, des couvertures sur ma peau).
S’il faut néanmoins poursuivre l’inventaire, signalons des explosions puissantes de thrash metal (Gaia, Predator X), de sympathiques passages dansants, des sonorités orientales en veux-tu, en voilà, et pas mal de chansons pop-jazzy indolentes, qui confèrent à l’album de douces sensations pré-estivales qui s’avèrent très agréables (Magenta Mountain, absolument délicieux…)
Alors, avons-nous affaire à un chef d’œuvre ? Ceux qui suivent King Gizzard depuis leurs débuts savent que ce genre de question ne se pose pas, tant le groupe privilégie la créativité débridée et un hédonisme musical bienveillant, invitant l’auditeur à lâcher prise pour seulement JOUIR de la musique. Et pour ce qui est de la jouissance, Omnium Gatherum nous gâte…
Eric Debarnot