MNNQNS part dans une autre direction avec son second LP The Second Principle et confirme qu’il est un des groupes les plus excitants du moment en France. Un album bouillant, à la fois expérimental et mélodique, entre les Beach Boys et Animal Collective.
“Élégance, intransigeance, brutalité”, voilà les termes utilisés par Eric Debarnot dans Benzine pour parler de Body Negative, le premier album de MNNQNS (2019), impressionné qu’il était par « l’énergie mise par le groupe pour transformer des chansons pop efficaces en un magma continuel à la fois brûlant et glacé. » Ces compliments étaient plutôt partagés par la presse spécialisée. Même si certains, plutôt négatifs, pouvaient souligner que le groupe avait du mal à échapper à ce qui avait été déjà fait, des milliers des fois, il n’en restait pas moins que MNNQNS était apparu comme « une nouvelle raison de célébrer la vitalité actuelle de la scène Rock française. » Et même comme “le groupe français qui donne envie d’écouter du rock” ! Rien que ça ! Le présent leur appartenait ! Quid du futur ?
Ce qu’on avait entendu sur Deviant By Ego, un EP de 2021, était déjà très intéressant, un peu plus expérimental, toujours aussi frénétique, toujours aussi marqué par cette tendance à ensevelir les mélodies pop sous encore plus de guitares. Le groupe donnait l’impression de creuser son sillon, d’utiliser une recette déjà parfaitement maîtrisée sur Body Negative. Clairement Adrian d’Epinay (chanteur et guitariste), Grégoire Mainot (batterie), Félix Ramaën (basse) et Hugo Van Leene (ayant remplacé Marc Lebreuilly à la guitare) ne ressentaient pas de pression particulière au moment de se remettre à composer et écrire. Et cela se confirme avec The Second Principle. MNNQNS est définitivement un des groupes les plus excitants qu’on puisse écouter en France aujourd’hui. The Second Principle est remarquable. Pas parce qu’il meilleur que Body Negative, mais parce qu’il est différent. Le groupe a su évoluer, explorer de nouvelles pistes, revenir sur le devant de la scène sans se répéter.
Tous les morceaux de l’album révèlent cette créativité hors norme. Cela commence dès The Great Scheme Of Things, 44 secondes, une mélopée presque a capella (ce pourraient être des moines qui chantent en déambulant dans un cloître). Cela continue avec l’instrumental Pyramid, un intermède d’1 minute 30 vers la fin de l’album. Ces deux morceaux semblent être les petits frères de Underseas (co-écrit avec Bungalow Depression, une des pistes de Deviant By Ego. Mais ce sont des morceaux en trompe l’oreille. L’énergie du groupe est (toujours) là et l’album reste bouillant (à défaut d’être brûlant) — le fantasque et fantastique Ultraviolet Ultraviolet ou Pacific Trash Patch sont là pour en témoigner. Superbes réussites.
Est aussi bien présente la capacité du quatuor à écrire des mélodies pop assez irrésistibles, à la fois légèrement bancales et très bien ficelées. De ce point de vue, The Second Principle est assez remarquable, avec ses morceaux qui lorgnent du côté des Beach Boys. Une tendance Good Vibrations que l’on retrouve sur presque tous les morceaux… en particulier Full Circle Back ou Eyes Of God. C’est-à-dire un côté expérimental et délirant, une musique qui part en vrille soudain d’une manière particulièrement réjouissante. Il n’y a pas un seul morceau qui y échappe, un peu à la manière d’un Animal Collective… qui fait tourner ses claviers dans des ritournelles addictives. Peut-être que la place des synthés (analogiques) qui ont pris le pas sur les guitares y sont pour quelque chose. Ou alors l’utilisation des choeurs aussi, plutôt fréquentes. Comme par exemple sur Sleeplessly, 8 minutes 31, un morceau aérien, presque néo-psyché qui termine avec des cordes, tout en douceur…
On pourrait multiplier les références, mais ça ne serait pas juste pour le groupe. MNNQNS a réussi à s’inscrire et à prendre place dans une longue tradition et une tradition alimentée par des dizaines de groupes prestigieux et importants, tout en montrant une capacité à l’originalité. Que demander de plus ?
Alain Marciano