Vous qui aimez l’histoire de France et les running gags, le second ou le troisième degré, l’absurde et le loufoque, vous adorerez Waterlose !
Un siècle de démocratie représentative nous a fait oublier que le destin d’une nation pouvait, un temps, s’incarner dans la volonté d’un seul homme, despote, autocrate ou dictateur. Souvenez-vous d’Alexandre le Grand, de Gengis Khan, de Lénine ou, plus près de nous, de Napoléon Bonaparte. Cet obscur hobereau corse s’imposa comme Empereur des Français et mis la main sur l’essentiel du continent, au prix de trois millions de morts. Il laissa derrière lui une France exsangue, tout en inoculant à l’Europe à la fois le poison du nationalisme et une fièvre de démocratie républicaine.
Karibou revisite la légende impériale. Prisonnier à Saint Hélène, Napoléon Ier s’ennuie ferme. Le fidèle et dévoué Emmanuel de Las Cases lui propose de l’aider à rédiger ses mémoires, l’occasion de revenir, chronologiquement, sur les principales étapes de sa vie. Tout en respectant le contexte historique, le ton est franchement sarcastique et jubilatoire. Son Bonaparte est un sale gosse, égocentrique, cynique, ignare et querelleur, mais aussi imaginatif, hyperactif, chanceux et audacieux. Ce qui n’est pas, du moins pour la seconde partie, tout à fait inexact. Ce surprenant Bonaparte de 6 ans d’âge mental aime les dragons, les souterrains et les batailles de polochons. Un format relativement court permet de maintenir l’effet de surprise.
Le dessin réaliste en noir, blanc et rose de Josselin Duparcmeur est très précis et étonnement sage. Ses gaufriers et ses longs plans fixes sont au service de l’ironie souvent cruelle des dialogues. Ses personnages bougons aux yeux absents sont littéralement subjugués par le charisme du tyran.
Pour ceux qui seraient séduits, la bonne nouvelle est que le duo a infligé le même sort à Jules César. Tyrans, gare à vous !
Stéphane de Boysson