Hier soir, dans le cadre précieux du Cirque d’Hiver, les Psychotic Monks ont une fois encore fait une époustouflante démonstration de force, juste après une soirée familiale réussie animée par les deux potes, Peter Doherty et Frédéric Lo.
Formidable programmation au Festival Culture Box, qui rend les deux soirées prévues quasiment incontournables… même si l’on peut déplorer le choix d’une salle « assise » comme le somptueux Cirque d’hiver pour de tels groupes. Faisons contre mauvaise fortune bon cœur, au moins on ne sera pas bousculés ce soir ! Les artistes jouent donc sur la piste (ronde) centrale, avec le public dans les gradins autour, ce qui permettra en fait des interactions intéressantes…
19h30 : … un potentiel qu’exploiteront bien Lulu Van Trapp : alors que le matériel occupe seulement une partie de la piste, Rebecca, la chanteuse, investira rapidement la totalité de l’espace, au contact avec les spectateurs, traquée par les caméras de France TV… Plus tard, le groupe, assis sur le pourtour, nous offrira un morceau acoustique « comme à la maison », qui sera peut-être le moment le plus intéressant du set. Sinon, les 55 minutes laissées à Lulu Van Trapp leur permettra de parcourir les différentes facettes d’un répertoire varié : du rock dansant et bon enfant aux torch songs chantées façon diva soul – Rebecca a vraiment une voix impressionnante – en passant par des « chansons d’amour » qui privilégient la douceur. La plus grande fantaisie du groupe ce soir réside dans leur tenue vestimentaire, il est vrai spectaculaire – béret et kilt pour Max, tenue plastique rouge et jaune pour Rebecca (dont elle devra quitter le haut pour cause de température élevée…). Quoi qu’on pense de la musique du groupe, parfois irrégulière, il faut admirer Lulu Van Trapp pour la manière dont ils réussiront à emmener avec eux le public, dont l’enthousiasme croîtra au fil du set. Bravo !
20h55 : on nous annonce une inversion du programme initialement prévu, et c’est maintenant au tour de Peter Doherty et Frédéric Lo, qui vous nous jouer l’intégralité de leur magnifique album, The Fantasy Life of Poetry and Crime. Ils sont accompagnés d’un quatuor à cordes, qui a une vraie valeur ajoutée sur les morceaux où il intervient, et Pete a même amené son chien ! Ce qui est en soi une vraie première (… la première fois où nous voyons une chien sur scène pendant un concert de rock !)… La soirée va être clairement placée sous le signe de l’amitié, de la famille, mais aussi de la simplicité. Lo et Doherty se vannent gentiment, avec beaucoup d’affection… Ils finiront même par valser tous les deux !
Musicalement, c’est à la fois très beau – quelles chansons ! – et suffisamment imparfait pour que l’émotion soit toujours présente dans les fissures de la musique. Doherty chante magnifiquement mal, avec cette voix presque enfantine de poète froissé qui touche au cœur : c’est un ravissement. Lorsque l’album est terminé, le concert se boucle avec quelques chansons de Doherty dont le superbe Salomé (dont Lo affirme qu’elle l’a foudroyé lorsqu’il l’a entendue pour la première fois !). Le final restera dans le registre convivial et décontracté, sur la country laid back de For Lovers. Le chien aboie, un peu effrayé par les torrents d’applaudissements et de cris de la part du public. 1h05 d’une singulière magie, émanant autant du charisme de Doherty que de la qualité des compositions de Lo : un duo gagnant.
Il est déjà 22h30 quand le quatuor de The Psychotic Monks attaque son set, et le Cirque d’hiver s’est malheureusement – mais logiquement – bien vidé pour nos chouchous. Mais ceux qui restent SAVENT, ou bien ont des amis qui SAVENT et qui les ont prévenus. On est d’abord surpris par l’apparence du quatuor, chaque musicien ayant adopté un look original, voire légèrement fantaisiste (les platform boots du bassiste, le visage pailleté du batteur…) qui apporte une touche de légèreté et d’humour bienvenue au groupe. Mais pas d’inquiétude, le tsunami Psychotic Monks va encore nous engloutir : malgré la distance que crée la configuration du Cirque d’Hiver, malgré un son insuffisamment fort, malgré notre fatigue peut-être, nos Monks vont prouver, une fois encore qu’ils planent à des hauteurs invraisemblables.
Comme à chaque fois, le concert démarre de manière abstraite, et le public doit d’abord faire un effort pour pénétrer peu à peu au sein de ces concepts bruitistes, inconfortables aussi, qui ne dégagent qu’une beauté fugace. On attend que les rythmes s’accélèrent, mais notre impatience devra être longtemps contenue, ou alors le plaisir sera trop vite interrompu. Quelques spectateurs, trop vite découragés, quittent encore la salle. Cette musique se mérite, ou plutôt il s’agit d’une musique qui mérite qu’on soit prête pour elle. Puis, peu à peu, les astres s’alignent, la pulsation s’intensifie et on entre dans la partie jouissive du set. La salle tout entière est désormais électrique, nous dansons comme des poupées de chiffon ballottées par la tourmente. Le bonheur, la joie, la transe… on vibre avec les musiciens qui se déchaînent. Et puis arrive la dernière partie, celle que l’on ne peut que qualifier de sublime. Celle qui fait pleurer les plus durs d’entre nous. Celle qui fera dire à l’un de nos amis : « J’ai clairement pris une claque, je n’ai jamais ressenti autant de choses en si peu de temps ». Martin entonne la psalmodie hallucinée de Every Sight, et on entame cette longue montée en puissance qui culminera, un bon quart d’heure plus tard, avec un Cirque d’Hiver totalement tétanisé par la puissance des émotions qui se sont déversées sur nous.
L’acclamation finale est assourdissante, le groupe est ému, nous ressortirons de là une fois de plus convaincus d’avoir vécu l’une de ces grandes expériences que la musique, la meilleure musique procure. Et d’avoir de la chance d’être français et d’avoir l’un des plus beaux groupes de la planète chez nous.
Allez, on se dit tous au revoir, et à demain. Car on revient demain !
Photos et texte : Eric Debarnot
[Live Report] Emily Loizeau, Pete Doherty & Frédéric Lo, et Fishbach au Studio 104
Pour moi The Libertines, Doherty, c’est LE NEANT ARTISTIQUE COMPLET !.
Et quand je pense que certains ont osé comparer les premiers à The Clash…
Je comprends ton point de vue, et je l’ai longtemps partagé. Néanmoins, je te recommande de jeter une oreille à cet album avec Frédéric Lo, cela en vaut la peine.