Dans ce livre d’utilité publique, Renaud de Heyn dévoile l’influence du lobbying de l’agrobusiness qui nous conduit inexorablement vers un désastre environnemental, alimentaire et sanitaire.
Depuis la nuit des temps, saisons après saisons, les agriculteurs ont sélectionné les meilleures de leurs graines afin de les replanter l’année suivante. J’entends par « meilleures », les mieux adaptées aux spécificités de leur terroir. Après la Seconde guerre mondiale, le monde a eu faim. Inquiets, les États poussèrent à l’amélioration des rendements et autorisèrent les industriels à breveter le fruit de leurs recherches. La machine infernale était lancée.
Renaud de Heyn décrypte les enjeux méconnus de la lutte pour la sauvegarde de notre patrimoine végétal. Les multinationales créent des espèces performantes au prix d’un épuisement rapide des sols, qui exige, pour le compenser, toujours plus d’engrais, fournis par les mêmes multinationales. Malins, les industriels commercialisent des hybrides qui interdisent toutes reproductions naturelles, les paysans sont donc contraints de racheter, chaque année, des semences. Mieux, l’uniformisation des semis fragilisent les cultures face aux ravageurs et aux maladies, une faiblesse qu’entend compenser la pétrochimie par ses insecticides et fongicides. Si les rendements montent, les charges et la pollution croissent plus vite encore, acculant les agriculteurs à la faillite. Bienvenue dans le « Meilleur des mondes ».
Une poignée d’agriculteurs français cultive d’anciennes semences. Le bénéfice pour la société est évident, ils préservent la diversité naturelle et produisent des aliments sains. Ils produisent moins, mais sans excès de machines et traitements gagnent leur vie. Hélas, une législation kafkaïenne leur interdit de vendre leurs graines. Les critères de validation pour permettre à des semences d’intégrer le Catalogue officiel, qui seul autorise leur commercialisation, favorisent indument les produits industriels. Les agriculteurs tentent de modifier la législation, mais le lobbying efficace de la bio-tech à Bruxelles a eu raison de leurs efforts.
Le trait à l’encre de Chine de Renaud de Heyn est classique, élégant et aquarellé. Il intercale dans son dessin réaliste des schémas et de courtes et bienvenues incursions dans le fantastique. Ses fermes à taille humaine, ses agriculteurs passionnés et ses champs à l’ancienne constituent une sympathique invitation au retour à la terre. Si ce n’est comme professionnel, du moins que ce soit comme client et ami. Car, la lutte n’est pas perdue : ils ont besoin de nous.
Stéphane de Boysson