[Live Report] Nada Surf et John Vanderslide au Bataclan : PO-PU-LAI-RE !

Il y a une très bonne raison d’aller voir Nada Surf sur scène, et c’est toujours la même : ces gens ont la capacité avec leur musique et la manière dont ils la communiquent de vous rendre heureux ! Et ça, ça ne se refuse pas…

2022 05 30 Nada Surf Bataclan
Nada Surf au Bataclan – Photo : Eric Debarnot

Avec l’encombrement des salles résultant des reports de la période Covid se superposant aux tournées « normales », le casse-tête du choix continue à s’intensifier à Paris (oui, on sait, c’est un problème de riches !). Car comment décider ce soir, entre Kim Gordon, The National et Nada Surf qui jouent tous les trois dans la capitale, et qui s’adressent peu ou prou au même type de public ?

Comme une dose de positivité ne fait pas de mal, on opte pour Nada Surf, en passage – reporté de près de deux ans – au Bataclan, quasiment sold out pour le coup, et rempli d’une foule de fans particulièrement amoureux de leur groupe.

2022 05 30 John Vanderslice Bataclan19h20 : c’est une sorte de vieux jeune homme aux cheveux bleus qui monte sur scène. Il est Californien, est coutumier des premières parties de Nada Surf qui l’emmènent souvent avec eux, il s’appelle John Vanderslice, et il est seul avec sa guitare électrique et une boîte à effets qui ne semble pas dater d’hier. Ce qui est étonnant et sympathique de prime abord avec John, c’est qu’il est dans l’interaction totale avec le public, et qu’il n’a pas peur de prendre des risques. Il passe un papier au premier rang pour que nous écrivions les questions que nous aimerions lui poser, s’engageant à y répondre en toute honnêteté. Il nous présente sa girlfriend dans la salle, qui vient de débarquer des US, et plus tard nous demandera de lui offrir un verre de vin… Ses chansons, interprétées avec quelquefois l’aide d’une beat box, sont curieusement déstructurées, sans mélodie ni rythme, uniquement portées par sa voix – singulière, intéressante, et parfois très émotionnelle. La démarche est belle, avec un mélange indécidable de sincérité totale et de sens inné du spectacle, au risque, à la longue, d’une certaine complaisance. C’est juste dommage que les chansons – aux textes éminemment personnels – ne soient pas un tout petit peu plus accrocheuses. Une forte personnalité quand même, et c’est dommage finalement que le set se soit étiré sur 45 minutes, définitivement trop longues par rapport à ce que John a à offrir.

2022 05 30 Nada Surf Bataclan20h30 : Le quatuor de Nada Surf attaque le set par l’ouverture de leur dernier album (Never Not Together, datant de 2020), So Much Love, et le ton pour la soirée est donné : on est dans un univers lumineux, positif, où les belles mélodies entraînantes sont portées par une énergie électrique assez irrésistible : « So much love in the air / So much love, it’s always there / How much love trapped inside? / So much love, show it some light » (Tant d’amour dans l’air / Tant d’amour, toujours là / Combien d’amour emprisonné en nous ? / Tant d’amour, montrons-lui un peu de lumière). Gentillet ? Niais, même ? Il est facile de se moquer d’un groupe comme Nada Surf qui refuse la noirceur habituelle de la « rock’n’roll attitude » et préfère enchanter nos vies… sans parler du nombre de leurs tubes qui comportent le mot « LOVE » dans leur titre. Mais c’est aussi un groupe capable de balancer du vrai rock qui cogne et qui fait mouche, comme on le vérifie immédiatement ensuite avec Hi-Speed Soul, et ses riffs de guitare agressifs, puis The Plan en forme de déflagration punk. Ira tape dur à la batterie, régulièrement très impressionnant, et Daniel – avec ses belles dreadlocks – est l’un de ces rares bassistes qui dansent sur scène, toujours prêt à énergiser les chansons… A noter que, même si cela ne semble pas encore complètement officiel, le lead guitariste Doug Gillard ne fait plus partie de Nada Surf, et qu’il est « remplacé » par un clavier, ce qui change un peu la texture du power-pop du groupe…

2022 05 30 Nada Surf Bataclan

Autour de nous, tout le monde sourit, et chante : on voit combien Nada Surf est un groupe qui fédère. On se laisse aller à rêver à un monde meilleur où Nada Surf serait à la place de Coldplay jouant dans des stades bondés, un monde où on pourrait composer et jouer des chansons populaires sans renoncer pour autant à l’énergie rock’n’roll… Tout le set, de près d’une heure trois quarts que Nada Surf va nous offrir, avec une générosité totale, ce soir, sera ainsi, oscillant entre positivité souriante et déflagrations rock. Pour nous, le meilleur moment du concert sera probablement le très beau See These Bones, le morceau le plus franchement mélancolique de la soirée… ce qui prouve quand même que nous sommes bien accros à la tristesse et avons un peu de mal à rester souriants pendant près de deux heures !

2022 05 30 Nada Surf BataclanIl faut évidemment parler du rapport particulier, et exceptionnel, que ce groupe US entretient avec la France : du fait de leur études en langue française, Matthew et Daniel sont complètement bilingues et ne cessent de nous rappeler combien la France est importante pour eux. Ce soir, deux chansons seront interprétées en français, le superbe Là pour ça (la voix de Daniel est très convaincante !) et le plus anecdotique – et plutôt inconnu – Je t’attendais… L’incontournable reprise du Where Is My Mind est aussi présentée par Matthew comme un souvenir du mémorable concert des Pixies qu’il a vu dans cette même salle du Bataclan dans les années 80…

Le rappel de quatre chansons est, comme il se doit de l’être, un couronnement impeccable du set, avec en son cœur la chanson que les fans de la première heure attendent, le fameux Popular, l’une des chansons les plus intenses du groupe. Le romantique et irrésistible Always Love est le grand moment d’extase générale des fans, mais fait quand même beaucoup « chanson de stade » : on préférera Blankest Year en conclusion plus amusante, puisque le public a pour rôle de brailler « Fuck It » pendant que Matthew chante « Oh, Fuck It, I’m gonna have a party ! ». Le groupe nous offre encore un court adieu a capella (enfin sans micros) avec Blizzard of ’77.

Impossible de ne pas sortir du concert de Nada Surf avec le cœur en joie. Et de se dire que la générosité de ce groupe est un cadeau rare en ces temps d’antagonisme et d’angoisse. Merci, Nada Surf, vous êtes notre groupe PO-PU-LAI-RE préféré !

Texte et photos : Eric Debarnot