Mattiel, peu de gens le savent, c’est désormais le duo formé par Mattiel Brown et son producteur Jonah Swilley, deux artistes d’Atlanta qui construisent une œuvre de plus en plus intéressante, sans avoir encore attiré l’attention du grand public. On les a rencontrés à la Maroquinerie, juste avant leur concert.
Benzine : On a été très impressionnés par votre dernier album, Georgia Gothic, qui marquait un changement, entre la couverture et le contenu, clairement moins traditionnel que les précédents. Plus fun aussi…
Mattiel : C’est un album que nous avons écrit exclusivement tous les deux, ensemble : on a eu le temps de s’asseoir pour créer, sinon la totalité, mais au moins la plus grande partie de l’album, dans une cabane dans le nord de la Géorgie. Il a été écrit comme ça, et puis on l’a enregistré dans un studio que Jonah a construit à Atlanta. Il sonne différemment parce qu’il a été fait de manière différente…
Jonah : ça a été un incroyable accélérateur de retourner en studio et d’écrire, on était assis chez nous, on s’est dit qu’il était grand temps de se mettre au boulot, d’être créatifs…
Benzine : Durant le confinement, il semble qu’il y a eu deux types de réactions, il y a eu des gens qui se sont laissé entraîner par la dépression, et d’autres qui sont devenus plus créatifs, et ont fait des albums bien meilleurs…
Mattiel : Oui, en fait, je me sentais plutôt mal, durant les deux premiers mois du confinement, et le fait que Jonah construisait son studio m’a beaucoup aidée, m’a fait sentir qu’on pouvait faire quelque chose…
Benzine : Mais pourquoi cette ouverture, pourquoi êtes-vous devenus aussi… baroques, fous ?
Mattiel : Je ne sais pas, je pense que le paysage sonore qu’est devenu l’album une fois enregistré reflète bien la manière dont je le concevais, d’une manière très visuelle… Mais, non, je ne sais pas… C’est juste arrivé !
Benzine : La couverture, avec vous deux, vêtus de rouge, comme deux petits diablotins courant dans les bois… c’est quoi le message ?
Mattiel : En fait, c’était juste supposé être amusant… Mais finalement, je pense que c’est une super image, utiliser ce rouge très brillant… Je voulais faire une sorte d’image dérivée du tableau American Gothic de Grant Wood. Le tableau avec la fourche… En fait, les fourches ne viennent pas d’une imagerie diabolique du tout, je voulais faire cette référence au tableau…
Jonah : On a l’air complètement pas à notre place sur cette couverture, et c’est aussi un message subtil sur ce qu’on ressentait par rapport à notre musique… Essayer de trouver notre place.
Mattiel : Et le kudzu, la plante qui est derrière nous, c’est une plante très locale, invasive, ça pousse partout, très vite, c’est partout à Atlanta…
Benzine : C’est la plante qui était sur la pochette de Murmur, le premier album de R.E.M. aussi, non ?
Mattiel : Probablement, ils sont de Georgie aussi…
Benzine : On lit toujours le fait que Jack White vous soutient…
Mattiel : Je n’aime pas utiliser son nom comme outil publicitaire, mais il est très supportif de ce que nous faisons, il m’a emmené avec lui pour ma première tournée. Jonah avait déjà tourné avec Jack avec un autre groupe, avant, aussi… Mais oui, il nous a soutenu depuis le début.
Benzine : La dernière fois que vous avez joué ici à la Maroquinerie, la dernière chanson du set était White Light White Heat du Velvet, et je m’étais rendu compte que presque personne dans la salle ne semblait connaître la chanson… Un moment d’intense solitude…
Jonah : Le Velvet est l’un des groupes les plus importants pour nous, c’est ce qui nous a motivé à jouer de la musique.
Mattiel : Mes premiers CDs, c’était les Clash, des vieux trucs, comme Duran Duran, de la musique depuis les années 50 aux années 80. Je n’ai jamais été exposée par mes parents à la musique des années 90 et 2000, ce n’était que des choses plus vieilles.
Benzine : Vous allez la jouer ce soir ?
Jonah : Non, on ne l’a pas jouée depuis longtemps…
Benzine : Vous êtes en France, vous devez répondre au moins à une question politique ou philosophique…
Mattiel : rires…
Benzine : Les gens aux Etats-Unis sont-ils sensibilisés à ce qui se passe en ce moment en Ukraine ?
Mattiel : Je pense que beaucoup de gens aux USA n’ont pas assez de connaissances de manière générale, du fait de leur éducation, pour savoir comment réagir… Tout le monde est dévasté de voir autant de violence… Mais, personnellement, je n’aime pas trop parler de choses que je ne connais pas bien.
Jonah : Et aussi, nos media sont tellement divisés en ce moment. Les gens regardent les media qui leurs parlent de ce qu’ils savent déjà… En plus, avec le contrôle des media par des milliardaires ou de grosses sociétés, nous n’avons pas accès à des sources d’informations indépendantes, comme par exemple la BBC au Royaume Uni.
Mattiel : ça ne paraît jamais neutre, objectif, ça ressemble à une guerre continuelle entre les media…
Jonah : Mon beau-père est français, et lui, il est très préoccupé par ce qui se passe…
Benzine : Dernière question… quelle est la prochaine étape ? C’est trop tôt pour y penser ?
Mattiel : Oui, trop tôt, mais cet album s’est avéré une réussite, donc tourner pour le défendre est super. Le cycle des albums est finalement toujours long, donc nous allons encore tourner un moment avec Georgia Gothic !
Propos recueillis par Eric Debarnot
Mattiel – Georgia Gothic : le duo d’Atlanta s’envole vers de nouveaux horizons créatifs