Fan de Led Zep ? Voici un drôle de biopic qui ravivera peut-être votre nostalgie du groupe. Plutôt hostile aux excès des rock stars des seventies ? Les Sauvages Animaux vous rappellera combien vous avez eu raison d’être punk. Entre ces deux positionnements, le cœur de cette jolie BD balance un peu trop.
Il semble aujourd’hui que toute la planète mélomane vénère sous une forme ou sous une autre – mais toutes imprégnées d’une nostalgie sinon nauséabonde, tout du moins mortifère, le souvenir de Led Zeppelin, et il est important de rappeler aux passéistes de tout poil que la réalité n’était pas aussi belle que la légende. Et que si le mouvement punk, qui a nettoyé les écuries d’Augias du Rock, et réinjecté un sang nouveau à un genre musical déjà moribond au milieu des seventies, a existé, c’était avant tout pour « résister » à des groupes aussi monstrueux que celui formé par Plant, Page et Cie. En fait, si l’on est prêt à parier que Stephen Desberg et Joann De Moor aiment Led Zep, on peut aussi lire leur Les Sauvages Animaux comme un rappel bienvenu de la bêtise crasse de ce que l’on qualifie aujourd’hui de Classic Rock et du manque d’éthique fondamental du business qui tournait autour, à une époque où il était possible de devenir très riche en pompant l’argent des fans aveuglés par l’imagerie délirante des groupes.
Inspirés – seulement inspirés, car on ne parle pas ici de biopic, même détourné – de l’histoire de Peter Grant, le manager de Led Zep, les auteurs des Sauvages Animaux ont pris a décision – qui en irritera plus d’un, mais qui fait pas mal de sens vu la réalité des faits – de représenter les héros de cette saga rock’n’roll bien particulière sous la forme d’animaux, curieusement célébrés par la population humaine qui semble ne guère s’apercevoir de l’anormalité de ses idoles. Alors, on peut en effet être gênés par le manque de crédibilité de cette situation, qui est finalement sous-exploitée par le scénario et ressemble à un gimmick inutile, ou l’on peut au contraire penser qu’il s’agit d’une symbolique pertinente, tant en ce qui concerne la bestialité du Blues hypersexué du groupe que la brutalité des comportements de ces musiciens-enfants gâtés qui se croyaient, à l’époque, tout permis…
On suit donc ici la découverte du groupe par Grant (pardon, Grump, ours débonnaire un peu trop porté sur le miel pour garder la ligne), son ascension vers la gloire – sans faire l’impasse sur la manière dont les qualités, en particulier en termes de lyrics, du groupe ont été surestimées -, et son inévitable déréliction, une fois que la célébrité et l’argent auront fait leur œuvre : un scénario sans grandes surprises, puisque similaire à celui qu’on retrouve dans à peu près 90% des biopics d’artistes, et de musiciens surtout, tels qu’Hollywood les transforme en films à succès.
Et c’est bien là que les Sauvages Animaux manque sa cible, en dépit d’un dessin très convaincant, voire même très beau parfois, et d’un humour bien venu qui ravive régulièrement notre intérêt : trop au second degré pour constituer un MUST pour les fans du groupes, mais aussi pas assez critique vis-à-vis de comportements qui seraient aujourd’hui inexcusables, en particulier au niveau du machisme et du sexisme des jeunes rock stars, les Sauvages Animaux reste dans un entre deux qui le pénalise… en dépit de l’indiscutable plaisir que l’on prend à le lire.
Eric Debarnot