Stéphane Lemardelé rend un très bel hommage au talent et à l’humanité de Wim Wenders. Un véritable trésor et une leçon de cinéma.
Story-boarder français installé au Québec, Stéphane Lemardelé est choisi pour travailler sur les premières séquences de Every Thing Will Be Fine, qui doivent être tournées dans l’hiver canadien. Il est agréablement surpris par la gentillesse et la disponibilité de Wim Wenders. Une conversation s’engage, sur l’art en général et le cinéma en particulier. Il prend des notes, puis devant leur qualité, décide d’en tirer un scénario original. Le réalisateur allemand a relu l’ensemble et encouragé la publication du roman graphique.
La première partie mélange le travail sur le script, les repérages et la confection du storyboard, avec des conversations avec le réalisateur. Nous découvrons qu’il alterne des films parfaitement écrits, avec d’autres où il improvise un récit. Il choisit un lieu, pose des personnages, puis se laisse porter par son imagination ; il avoue que l’exercice est plus exigeant pour le cinéaste, et plus inquiétant pour le producteur.
Wenders évoque son amour pour la peinture, notamment son admiration pour Edward Hopper, une fascination que l’on retrouve dans l’attention portée à certains de ses plans. À l’opposé des faiseurs hollywoodiens, il revendique son réalisme : « L’approche hollywoodienne aime faire oublier le monde. Alors que pour moi, le cinéma doit le rappeler, il doit attirer l’attention sur le monde. C’est ce qui nous permet d’y voir clair, d’apprendre et de comprendre le monde. »
Il défend une vision pacifiste et « pacifiante » du cinéma : « C’est terrible, la guerre. La plupart des films « contre la guerre » sont malgré tout des films pour la guerre, parce qu’ils la rendent héroïque ou évoquent sa fascination selon moi, tout film où il y a de la violence est un film en faveur de celle-ci. »
La seconde partie, plus technique, décrit le tournage de la fameuse scène de l’accident de la route. Pour ceux qui n’auraient pas vu le film, attention, la chute est poignante.
Dans la tradition de la ligne claire, le dessin de Lemardelé est très agréable à lire. Bien que fort simples, ses couleurs rendent parfaitement la lumière particulière du grand Nord. La présentation des différentes étapes de son travail, en noir et blanc, sur le storyboard est didactique et met en lumière son importance. Ce livre original séduira les cinéphiles et, plus largement, tous les amateurs d’art.
Stéphane de Boysson