La bande dessinée sait aussi bâtir des ponts entre cultures différentes, la preuve avec ces onze artistes qui nous livrent le meilleur de leurs rencontres et de leurs découvertes. Un véritable chant d’amour pour la Guyane, son fleuve et ses peuples.
Laissez-moi vous conter la belle histoire de onze dessinateurs métropolitains (Olivier Copin, Jean-Luc Cornette, Étienne Davodeau, Joub, Emmanuel Lepage, Thierry Martin, Aude Mermilliod, Nicoby, Eric Sagot,Terreur Graphique et Jean Louis Tripp) qui acceptèrent l’invitation du Mapa Buku Festi, le festival guyanais de BD de la ville de Maripasoula. Située à une heure d’avion de Cayenne ou, mieux encore, à trois jours de pirogue de Saint-Laurent-du-Maroni, la commune est traversée par le fleuve Maroni. Une fois sur place, les artistes en mission observèrent, écoutèrent et dessinèrent. Ne s’étaient-ils pas engagés à proposer un récit ? Maroni est le recueil de leurs travaux et avouons que, pour une œuvre de commande, le résultat est bluffant.
Fictions ou reportages, les styles et les formats diffèrent, mais le fleuve se révèle le véritable héros de l’album. Tour à tour amical et pratique, dangereux et mystérieux, le Maroni isole ou rassemble, ramène au village ou exile définitivement. La Guyane est française, mais objectivement autre. Pour autant, une enfance guyanaise est-elle si différente ? Pas sûr. Chacune des histoires mériterait une chronique.
La première est contemplative et silencieuse, elle magnifie la forêt équatoriale et son l’alliance avec son compère le Maroni. Sous ses pinceaux, la nature semble encore intacte, comme originelle.
Les suivantes sont plus incarnées. Amérindiens et Bushinengués, métropolitains et clandestins, touristes et évangélistes s‘y côtoient. Dramatiques, elles nous racontent des histoires universelles de séparations, d’injustice ou de sorcellerie. Piquantes ou humoristiques, elles narrent les mésaventures des visiteurs, la peur en pirogue et l’assurance du piroguier, la visite au Surinam, si proche et si différent, les incompréhensions mutuelles et la barrière de la langue.
Laissez-vous surprendre, les tranches de vie de Maroni composent un séduisant patchwork qui, par sa cohérence finale, célèbre l’amour de peuples inquiets pour leur terre, leur fleuve et leurs cultures.
Stéphane de Boysson