Dans un monde où tout est brutal et (trop) rapide, Tillous (membre du duo L’envoûtante) nous propose une musique qui émerveille presque par la sérénité qu’elle dégage dans un EP 4 titres très réussi.
Sébastien Tillous forme avec Bruno Viougeas un duo — bien nommé L’envoûtante – qui propose un rock mâtiné d’électro tout en regardant vers le rap. Des textes déclamés avec hargne et rage (le duo se revendique du spoken rock), bruts, voire brutaux, qui ne ménagement pas leurs auditeurs. Une musique répétitive et entêtante (pour ne pas dire… envoûtante, évidemment). Un tout sombre, angoissant mais étonnamment addictif. Intéressant, vraiment. Un duo gagnant pour une combinaison réussie.
Mais pourquoi ce détour par un des autres projets de Sébastien Tillous pour parler de ce projet de Sébastien Tillous ? La réponse se laisse deviner facilement : la musique que propose Sébastien Tillous en solo est l’antithèse de celle que Sébastien Tillous compose en duo avec Bruno Viougeas.
Certes, le son des synthés du musicien est reconnaissable mais tout le reste est radicalement différent : les rythmes, l’architecture des morceaux et leur nature – tous instrumentaux, d’ailleurs. Et donc, une atmosphère qui n’a rien à voir avec celle que dégage des morceaux de L’envoûtante. Avec ce mini-album, Émancipation, TILLOUS fait ce qu’il annonce, il s’émancipe… Rien de sombre ici, rien d’angoissé. Bien au-contraire. La musique est apaisée, calme, méditative, et joyeuse, la joie de qui a abandonné tous ses soucis et se laisse porter par des courants d’air tièdes. Ces courants d’air que dessinent les boucles et mélodies composées par TILLOUS. Une musique composée par quelqu’un qui semble s’être abandonné et qui invite à l’abandon.
Sébastien Tillous semble prendre son temps, ne pas se presser. Et cela induit chez l’auditrice ou l’auditeur ce même sentiment qu’il est nécessaire de prendre son temps aussi. Même quand la musique enfle et le rythme s’accélère – comme sur Émancipation, en ouverture de l’album —, même quand les beats sont plus marqués – comme en clôture, sur Tairenerf –, quand TILLOUS nous invite presque à danser, il réussit à garder une atmosphère détendue grâce à des boucle aériennes et nappes de synthés vaporeuses. qui invitent à un voyage dans l’espace. Paix et sérénité. Calme et tranquillité. Une pop synthétique, à base de mélodies douces et éthérées. Une musique qui a la pêche et qui aussi une forme de lenteur qui n’a rien à voir avec la lenteur, on l’aura compris. Légèreté. Et aussi un sentiment de très grande fragilité. La musique de TILLOUS est si aérienne, si légère, gracieuse et gracile, qu’elle en devient fragile. Une musique qui produit une étrange sensation que tout ne tient qu’à un fil, que ce qu’on écoute est un comme un morceau de cristal, dont il faut à tout profiter parce qu’il va se briser (ou, peut-être que ce qu’on écoute est précisément le son que produit ce cristal qui éclate).
Émancipation ne fait que 4 titres, 15 petites minutes. Des minutes trop courtes ! Dont on espère qu’on aura une suite de la même veine rapidement.
Alain Marciano