Guillaume Dorison et Damien Maric nous content la naissance du cinéma, depuis les premiers prototypes, jusqu’au déploiement des premiers réseaux de salles.
1897, une association caritative et mondaine organise son « bazar de charité ». Alors que les films des frères Lumière sont projetés, un geste malheureux du machiniste met le feu aux vapeurs d’éther dégagés par la lampe du projecteur, puis aux bobines de film, enfin à la salle close. On relève plus de 125 corps, essentiellement des femmes de la très haute bourgeoisie, dont la sœur de l’impératrice Sissi. L’émotion est immense et la « machine du diable » mise en cause par la presse.
Avec talent, Guillaume Dorison et Damien Maric nous racontent les débuts parisiens du cinéma. Ils nous rappellent :
• Qu’en accueillant les inventeurs, les pionniers de la réalisation et les premiers industriels, la France a longtemps été le pays du cinéma ;
• Que les inventeurs et les créatifs font rarement fortune ;
• Que pour faire fortune, tous les coups sont permis ;
• Que pour faire fortune, il fallait transformer une attraction foraine en une industrie, en imaginant un modèle économique. Or, ce dernier n’était pas dans la conception des machines, ni même dans leur réalisation ou la production de films, mais dans la distribution, avec la création des salles de cinéma. À ce jeu-là, les meilleurs seront Charles Pathé et Léon Gaumont.
Les auteurs s’attardent sur ces frères ennemis. Par des moyens différents, et après avoir longtemps tâtonné, ils vont bâtir deux empires rivaux dans la distribution. Le premier doit ses succès à son épouse, qui sut tempérer ses ardeurs et l’encourager. Le second réussit grâce à sa collaboratrice, la trop méconnue réalisatrice Alice Guy qui, titulaire de plusieurs premières mondiales, poursuivra sa carrière aux États-Unis.
Seul léger bémol, le scénario hésite entre le documentaire et le romanesque. À l’instar des biopics hollywoodiens, si les personnages et les faits sont inspirés des faits réels, l’histoire est « améliorée ».
Les dessins réalistes et les cadrages trop sages de Jean-Baptiste Hostache accentuent l’aspect didactique, mais avouons que leur lecture est agréable et que les personnages sont parfaitement croqués. Avec ses fiacres, ses redingotes et ses robes longues, il nous livre un Paris haussmannien qui nous est faussement familier.
Bonne nouvelle, l’éditeur annonce une suite qui nous transportera aux USA, l’autre pays du cinéma.
Stéphane de Boysson