Mais pourquoi donc écouter de la surf music en 2022 quand on habite aussi loin des plages californiennes ? Il y a désormais une excellente raison, et elle se nomme The Wave Chargers !
Commençons d’abord par lire ce que nous dit Wikipedia sur la surf music : « La surf music est un genre de musique populaire associé à la culture du surf, en particulier celle du comté d’Orange, en Californie, et d’autres lieux situés au Sud de la Californie. (…) La surf music est lancée dans les années 1960 en tant que musique dance instrumentale, presque toujours en signature 4/4, et à un tempo élevé. Le son est dominé par la guitare électrique, caractérisée par une réverbération très présente. » Nous sommes maintenant bien équipés (éduqués ?) pour aborder la musique de The Wave Chargers, une musique née en France, bien loin spatio-temporellement du soleil californien et de l’insouciance des sixties (telle que l’on se l’imagine, au moins). Assister à un concert du quatuor, c’est d’ailleurs l’assurance de vivre des moments de pur plaisir hédoniste, en se trémoussant frénétiquement, en agitant les bras en l’air, avec un grand sourire en travers du visage. C’est aussi admirer la fougue, la classe et la maîtrise de ces jeunes gens qui, en s’inscrivant dans un courant musical aussi clairement « daté », réussissent sans efforts à se distinguer de la masse des groupes actuels ressassant – avec talent pour la plupart, là n’est pas la question – la déprime existentialiste / post-punk du XXIème siècle.
Reste qu’on est en droit de se poser la question quant à la capacité de cette musique, aussi efficace soit-elle en live, à passer l’épreuve de l’album : une fois dissipée l’excitation du concert, que reste-t-il, hormis des clichés rétro ? C’est une question que se sont forcément posée The Wave Chargers pour leur second album, Caravelle. D’ailleurs ce titre – excessivement malin – est une piste : on peut le lire comme une autre référence sixties – cet avion était à l’époque le fleuron de l’aviation française – mais on peut aussi très bien s’imaginer sur l’un de ces voiliers majestueux traversant l’océan aux côtés de Christophe Colomb pour découvrir l’Amérique.
Car la réponse à nos doutes sur l’étroitesse potentielle de la surf music, The Wave Chargers nous l’offrent à travers plusieurs des 12 morceaux de l’album : il faut voyager, ouvrir nos esprits, nos cœurs et notre musique au monde, laisser les sonorités, les ambiances de chaque lieu imprégner les chansons. L’avantage de toute musique instrumentale, c’est bien qu’elle s’écoute les yeux fermés, qu’elle permet à l’imagination de se déployer sans être bridée par les mots : le voyage en est d’autant plus naturel. Kyokunomi, Skeleton Bay, Djerba Twist, Hōkū Kai, Nuit noire sur les docks… les titres des chansons parlent d’eux-mêmes : il s’agit ici d’atmosphères, d’ambiances, de dépaysement éventuellement, d’exotisme parfois.
Le plaisir intense que l’on prend à l’écoute de Caravelle est donc double : d’une part, on retrouve les standards délicieux d’un genre auquel les BO des films de Tarantino ont redonné une nouvelle pertinence qui semble désormais inépuisable (ah, ce saxo qui déboule au plein milieu de Surf Motel !), d’une autre, on s’émerveille de voir cette musique a priori tellement codifiée s’enrichir de sonorités, voire de rythmes différents. Et puis, au milieu de l’album, des accents garage (Squalidae) ou Rockabilly (Eddie Would Go, Da Bull) relancent notre curiosité.
Finalement, il ne manque ici par rapport à l’expérience scénique que la prise de risque « vocale » qui ajouterait encore un peu de piment. Mais gageons que ce sera pour le troisième album : nous suggérons d’ores et déjà un titre, « Mirage IV », car la musique de The Wave Chargers, c’est quand même plus un avion de chasse qu’un moyen de transport de passagers !
Eric Debarnot