Première déception de la part de Pixar depuis 5 ans, Buzz l’Eclair démarre bien, avant de se perdre dans de longues scènes d’action indignes du studio qui a créé Toy Story…
Buzz l’Eclair – Lightyear en version originale – est le 26ème long-métrage des studios Pixar, et leur premier à être diffusé en salles depuis En Avant, qui était sorti juste avant le déclenchement officiel de la pandémie : comme il s’agit d’un spin off de la « franchise » la plus symbolique de Pixar, c’est avec une certaine émotion que l’on se retrouvait face à un grand écran pour découvrir, d’après le carton d’introduction très « méta », « le film qui a engendré le jouet acheté par Andy, le co-héros de Toy Story ». Et c’est avec tristesse qu’on est ressorti de la salle, une heure quarante-cinq plus tard, déçu par ce qui est clairement le moins bon (le plus mauvais ?) Pixar depuis Cars 3, en 2017…
… Car, autant le reconnaître, rares sont les moments durant Buzz l’Eclair où l’on reconnaît le style si caractéristique du studio, ce mélange de « high concept » et de profondeur humaine que personne dans l’animation, et surtout pas la maison mère Disney, n’est encore parvenu à surpasser, ni même égaler. Buzz l’Eclair n’est finalement qu’un banal film de SF avec un scénario « malin » jouant – maladroitement, car le ressort narratif central, que l’on ne révélera pas, ne résiste pas à la logique la plus élémentaire – sur les paradoxes offerts par la relativité einsteinienne et les différentes lignes temporelles, argument ultra-classique s’il en est. Pire, il devient à mi-course l’un de ces films d’action états-uniens à la mode depuis le début du siècle, enchaînant en dépit de toute logique des scènes d’action spectaculaires mais gratuites. Si dans l’affreux Jurassic World, les dinosaures se succédaient sans fin pour menacer des héros que l’on savait invincibles, les scénaristes de Pixar nous assènent ici un flux ininterrompu de robots qui ne constituent jamais une véritable menace pour Buzz et ses amis : et ça, franchement, c’est quelque chose que l’on n’attendait pas de la part de Pixar !
L’histoire que raconte Buzz l’Eclair était pourtant prometteuse : parce qu’il commet une erreur de pilotage au moment de décoller en catastrophe d’une planète hostile, le ranger Buzz Lightyear condamne toute la population de l’énorme vaisseau spatial dont il a la responsabilité à rester pour toujours sur cette fameuse planète. Il n’aura de cesse de tenter de se racheter, et de chercher la solution technique pour libérer les victimes de la prison à laquelle il les a condamnés. Et puis, au bout d’une vingtaine de minutes, arrive un grand moment d’émotion, totalement « pixaresque », qui peut rappeler l’inoubliable introduction de Là-Haut (mais aussi le drame du héros de Ces Jours qui Disparaissent, la BD de Timothé le Boucher), et qui nous fait penser que ça y est, c’est gagné, Pixar règne toujours en maître… Avant que le film ne s’égare donc dans cette succession de scènes d’action conventionnelles, où le réalisateur Angus McLane, dont c’est le premier long-métrage après sa collaboration avec Andrew Stanton pour le Monde de Dory, ne brille pas particulièrement par son originalité.
Alors bien sûr, il y a la qualité technique de l’animation, marque permanente du travail du studio, et le « petit animal rigolo » dont les plus jeunes s’enticheront, le chat robot SOX. Chris Evans (alors que Pixar n’utilise que rarement des acteurs connus pour les voix de ses personnages, hormis pour Toy Story, justement) fait son job avec application, et les références à Toy Story, justifiant le personnage du jouet et son univers – Zurg en particulier -, sont impeccablement gérées.
Peut-être sommes-nous une fois encore trop exigeants vis-à-vis de Pixar, mais la série de réussites incontestables – même si elles étaient parfois sur un mode mineur, comme En Avant – du studio, ininterrompue depuis Coco, nous permettait d’espérer autre chose qu’un divertissement efficace mais furieusement banal.
Il faudra maintenant attendre un an avant la sortie du projet Elemental, qui promet de revenir jouer dans la cour de Vice Versa et Soul…
Eric Debarnot