Kôkami Shôji et Azuma Naoki nous dévoilent la réalité tragique que cache le mythe nationaliste de la formation spontanée des unités de kamikazes. Deuxième volet d’un phénomène éditorial au Japon.
Le phénomène des kamikazes m’a toujours glacé le sang. Je peux admettre que des amiraux désespérés par leurs échecs successifs se soient suicidés, puis que, individuellement, des officiers les aient suivis dans la mort en se jetant sur des porte-avions, mais l’idée que de jeunes volontaires aient afflué par milliers m’irritait.
Shoji Kokami, le biographe de l’ancien kamikaze Sasaki Tomoji – le seul être humain à avoir survécu à neuf missions suicides – lève le voile. Loin d’être volontaires, ils ont été affectés d’office aux « unités spéciales », un monstrueux euphémisme. Afin de galvaniser le pays et de protéger l’Empereur, l’état-major les présentèrent indûment comme des volontaires. Or, dès leur plus jeune âge, ils avaient été conditionnés à obéir aveuglement. Particulièrement émouvant, le second tome du Pilote sacrifié insiste sur l’extraordinaire tristesse régnant dans l’escadrille des sacrifiés.
Ils ont quitté le Japon et rejoint les Philippines. Annonçant de fausses victoires, le premier ministre ment effrontément à sa population. Autour d’eux, l’armée japonaise affamée est en pleine déroute. Leur sacrifice sera vain. Le pilote le plus fragile s’écrase volontairement. L’imminence de la mort soude le groupe et rapproche officiers et sous-officiers, une première dans une armée encore féodale. Le chef d’unité, l’héroïque capitaine Iwamoto, se rebelle. Il ordonne de modifier ses bombardiers afin de leur permettre de larguer leur bombe. Il ne refuse pas de mourir, mais de mourir bêtement. On ne sacrifie pas des soldats d’élite. Vivants, ils seront plus utiles au pays. Hélas, la tragédie est en marche, nous devinons que seul Sasaki en réchappera.
Un temps, la guerre semble s’éloigner. Nous suivons les pilotes à l’entrainement, puis au repos. Fébrilement, ils attendent l’ordre qui déclenchera leur ultime mission. Fort classique, le dessin d’Azuma Naoki s’attarde sur les visages de ses héros qui ne cachent plus leurs émotions. Pour savoir comment Sasaki a survécu à sa première mission « spéciale », il vous faudra patienter, la série comportera dix tomes.
Stéphane de Boysson
Pilote sacrifié, volume 2
Scénario : Kôkami Shôji
Dessin : Azuma Naoki
Éditeur : Delcourt / Tonkam
92 pages – 7,99 €
Parution : 4 mai 2022
Pilote sacrifié, volume 2 – Extrait :