Retour sur trois jours de musique non-stop, de soleil, de chaleur dans le festival catalan qui, avec son grand retour après deux années de Covid, sa programmation dantesque et ses 200000 spectateurs, demeure probablement l’un des plus grands rendez-vous européens des amateurs de rock, pop et électro.
Jour 1 – 2 juin 2022
La foule est impressionnante aux portes du Parc Del Forum au nord de Barcelone : près de 200000 festivaliers sont attendus ce week-end, après deux années d’annulations pour cause sanitaire. Et pourtant, cela reste plutôt fluide, et le restera tout le long de ces trois soirées. Le public peut naviguer au gré d’une dizaine de scènes éparpillées sur une superficie plutôt énorme, le long de la mer Méditerranée, en lieu et place de l’ancien village olympique des jeux de 1992.
Signalons d’emblée, pour ne plus y revenir ensuite, les deux grosses déconvenues du festival : d’abord l’annulation des Strokes, pour cause de Covid-19 et d’impossibilité de prendre leur vol, qui fit l’effet d’une déflagration pour tous ceux qui avaient pris leur billet sur la seule foi d’entendre à nouveau gueuler Julian Casablancas et sa bande (moi le premier…). Ensuite, le gros souci d’attente aux comptoirs de bière, qui fut majoritairement relayé sur les réseaux sociaux, mais qui fut la conséquence probable d’une mauvaise gestion de personnel ou d’organisation, et qui empêcha pas mal de monde d’assister à leurs concerts favoris (45mn en moyenne pour choper une pinte, c’est rude).
Malgré cela, la soirée démarra d’heureuse manière avec le set sophistiqué de Sharon Van Etten (photo), nouvelle étoile montante de la scène rock-folk américaine. Si quelques morceaux énergiques fleurent trop le son un peu rock FM 90’s pour moi, les moments plus intimes permettent vite de rendre compte de la puissance mélodique de ses morceaux et de sa voix vraiment impressionnante, qui rappelle celle de PJ Harvey ou Cat Power quand elle s’adoucit. Un concert un peu inégal donc, mais parfait pour se mettre en jambes avant la suite. Suite tout aussi cool et calme avec Yo La Tengo (la dernière demi-heure) que j’ai eu plaisir à retrouver, témoignant toujours d’une grande maîtrise de la scène sans en faire trop, porté par de géniales chansons égrenées alors que le soleil se couchait. Ravissement total. Eux aussi maîtrisent la scène, quitte à en faire beaucoup pour nous exploser les mirettes et les oreilles : Tame Impala. C’est le show assuré pour ce groupe à l’ascension fulgurante, et à la ligne musicale obscure (du rock indé à la disco-pop pour stades, grosso modo). Une chose est sûre : les fans sont nombreux, hurlant leurs hymnes pop accrocheurs aidés d’un son et lumière (et paillettes) assez grandiose, même si on frôle le concert à la Jean-Michel Jarre parfois. C’est d’un professionnalisme à toute épreuve, et le son est dantesque. Cerise sur le gâteau à la chantilly : le groupe se fend d’une reprise incroyable de Last Nite pour consoler les fans déçus des Strokes, provoquant une légère émeute dans la fosse immense, un clin d’œil en forme de coup de force. On s’agenouille à force de respect pour les artistes.
La suite de la nuit s’avère plus chaotique : on baîlle un peu devant Cigarettes After Sex dont l’ambiance vaporeuse (mais très belle) sied mal à l’horaire (faudrait pas s’endormir) puis on va traîner en mangeant devant quelques titres de Pavement (photo). Le retour des dinosaures du rock 90’s amène quelques sourires à entendre leurs morceaux qui ont baigné mes années lycée-fac ; par contre, l’étonnement est grand devant le nombre de jeunes (à peine vingt ans) qui dansent et hurlent TOUTES les paroles du groupe ! Je ne savais pas que les jeunes d’aujourd’hui étaient aussi fans du groupe qui a pris beaucoup beaucoup de rides – et une présence scénique à l’avenant…
Continuons un peu dans l’improbable avec la fin du set du DJ et producteur anglais Fred Again… Set très efficace, public en délire (il y a beaucoup d’Anglais au Primavera Sound…), il fait le job, on dira. Et cela permet à nos gambettes de bien s’agiter. Elles continueront de se mouvoir sur Big Freedia, dont le son assez incroyable et l’hystérie du public au lontain nous a fait nous rapprocher avec curiosité. Et c’est l’hallu de la soirée : du bounce (mélange de hip-hop et d’électro) sur des paroles galvanisées par un chanteur.euse queer incroyable, armé.e de danseuses qui ne font que twerker en puissance et d’une jeune Djette qui manie les platines comme un ninja ses nunchakus. Tout le monde hurle, danse, saute, sur scène comme dans la fosse : le visuel est délirant. Et quand sur son final, l’artiste demande à tout le monde de venir bouger son derrière et le reste, c’est l’orgie musicale et des fesses remuées. Totalement pas ma came, mais totalement génial à vivre sur le moment.
Enfin, il est déjà (mazette !) 4h du mat’ quand on termine ce premier round par le set de DJ Shadow. Une heure 15 de pur plaisir sonore pour l’artiste qui balaie tous ses genres explorés depuis 20 ans en un maelstöm convaincant et dansant (malgré des petites digressions sonores fatigantes au milieu de la performance). L’idéal pour clotûrer la nuit à 5h30 et regagner ses pénates avec les pieds en miettes. Et ce n’est que le premier jour…(à suivre…)
Texte : Jean-françois Lahorgue
Photos des artistes : Christophe Cario