Ça s’appelle Bastion Session, c’est un EP, et c’est un groupe « français » au nom improbable de Dead Chic qui en est responsable. Et vous allez prendre ce disque en pleine face. Souvenez-vous que c’est ici que vous en avez entendu parler pour la première fois.
Au milieu d’une production française pléthorique et d’une qualité remarquable, il est de plus en plus difficile de choisir ce qu’on écoutera, et ce qui aura des chances de marquer notre année 2022 déjà quasi saturée en découvertes musicales excitantes. Alors qu’est-ce qui fait qu’on s’arrête sur cet EP de Dead Chic, Bastion Session ? Et que, dès la première écoute de ces trois titres enregistrés dans des conditions live, complétés par le premier single du groupe, la version studio de Too Far Gone, on arrête tout ce qu’on fait, et on… ECOUTE vraiment ce qui se passe ? En se disant, tiens, on est peut-être devant quelque chose. Les premiers échos de concerts décoiffants ? Oui… La recommandation d’amis en qui on a confiance ? Oui, aussi…
Alors Dead Chic, c’est quoi exactement ? On nous explique qu’il s’agit d’une collaboration entre l’anglais Andy Balcon, qui avait connu une vraie célébrité avec Heymoonshaker, étrange duo de beat box blues, et Damien Félix, guitariste qui a fait partie des formations Bigger et Catfish. Pas des inconnus, mais pas non plus des gens qu’on attendait au tournant pour nous proposer une musique aussi décapante. Mieux encore, cette session enregistrée et filmée en janvier dernier au Bastion de Besançon marquait a priori la première rencontre physique – la faute à ce p… de virus – entre Damien, Andy, Rémi Ferbus (le batteur) et Mathis Bouveret-Akengin (aux claviers) : devant la puissance des trois morceaux qui figurent sur ce Bastion Session EP, ça paraît tout-à-fait impossible de le croire. Car cette musique, d’une force émotionnelle stupéfiante, semble avoir muri, vieilli, non pas en fût de chêne – quoique -, mais dans le cœur et l’âme de vieux musiciens qui sont passés, ensemble, par toutes les avanies possibles d’une chienne de vie qu’il s’agit maintenant de chanter !
A la base de la musique de Dead Chic, il y a bien entendu le Blues, et la Soul aussi, réinterprétés avec une rudesse qui rappellera aux plus anciens des gens comme 16 Horsepower, Shoulders, voire Jeffrey Lee Pierce. De sacrés références, on le sait, mais pas des influences, juste ce qu’on a envie de qualifier de frères de sang, de frères de poisse, de frères de désespoir. Car si le second album de Heymoonshaker s’intitulait Noir, on a envie que cet EP s’appelle Plus Noir que Noir, tant il sent les ténèbres finales, la chute, sans aucune rédemption possible.
https://youtu.be/ip2Klt7L9yg
Too Far Gone, le single, est un cri de rage d’une beauté pétrifiante. Ballad of Another Man est une chanson qui semble trembler de tous ses membres, mais qui n’oublie jamais qu’un bon morceau est aussi la rencontre d’une voix, d’un son et d’une mélodie accrocheuse. Good God conclut la session avec une élégance mélodique absolue, tellement « rock’n’roll éternel » qu’elle place le Jura juste à quelques miles de Nashville : et du lyrisme classique de cette belle chanson naît la sensation enivrante d’une remontée du fond du puits, vers la lumière. Trois titres parfaits pour 16 minutes 39 secondes de fascination et de passion.
Et si nous tenions là un nouveau grand groupe, un vrai ? On attend les concerts, et puis l’album, avec impatience.
Eric Debarnot
Dead Chic – Bastion Session
Label : Upton Park / Dead Chic Records
Date de parution : 27 mai 2022
https://youtu.be/mI-Jd3ZeOXw